Arkady MARTINE
J'AI LU
128pp - 11,90 €
Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114
Après son diptyque Un souvenir nommé empire / Une désolation nommée paix (cf. nos n° 102 et 105), Arkady Martine revient avec une novella qui n’aurait peut-être pas déparé dans le guide de lecture du dossier IA du présent Bifrost.
Soit un futur moyennement proche (fin xxiie, début xxiiie ?). Architecte controversé, Basit Deniau est mort dans sa dernière réalisation, Rose House, une demeure située en plein cœur du désert de Mojave. Mort, comme compressé jusqu’à devenir un éclat de diamant. Quant à la maison, elle est hantée. Volontairement : ce n’est pas un bug mais une fonctionnalité. Ce qui la hante est une intelligence artificielle, elle aussi nommée Rose House, une IA en rien bridée par les asimoviennes lois de la robotique. La maison est restée close depuis le décès de Deniau, et seule son ancienne élève et exécutrice testamentaire, Selene Gisil, a le droit d’y pénétrer. Lorsque le récit commence, Rose House vient de contacter le commissariat de la localité de China Lake pour la simple et bonne raison qu’un deuxième cadavre se trouve depuis 24 heures dans l’une de ses pièces. L’inspectrice Maritza Smith se doit d’enquêter sur l’affaire. Pour cela, il lui faut réussir à pénétrer dans Rose House, et donc le concours de Selene Gisil. Entre l’inspectrice, l’exécutrice testamentaire et l’intelligence artificielle va peu à peu se déployer un jeu pervers, dont aucune des deux humaines n’est assurée de sortir vivante.
Avec Rose / House, Arkady Martine a l’excellente idée de conjuguer deux thématiques qui, habituellement, ne se rencontrent pas : celle de la maison hantée et celle de l’intelligence artificielle potentiellement malveillante. Il en résulte une novella fascinante, tout en clair-obscur – le désert écrasé de soleil, la pénombre frigorifiante de la demeure –, plus proche du Vermillion Sands de J. G. Ballard que de la Maison hantée de Shirley Jackson. Inutile d’espérer ici que toutes les zones d’ombre soient mises en lumière, ce n’est pas l’objet de ce récit qui, pareil à une sculpture curieuse, continuera à intriguer une fois la dernière page tournée.