Mathieu GABORIT, Magali SÉGURA, Richard CANAL, Philippe BONNEYRAT, Erik WIETZEL, Fabrice COLIN, Laurent GENEFORT, Laurent KLOETZER, Thomas DAY, Corto RAVENA, Sabrina CALVO, Nikos LETERRIER, Sébastien MILHOU, Eric BOISSAU, Raphaël GRANIER DE CASSAGNAC
FLEUVE NOIR
630pp - 13,57 €
Sous une couverture de Julien Delval, qui fut souvent bien plus inspiré, se cache Fantasy 2, le retour, avec, aux commandes, Stéphane « fais chier ! je quitte Mnémos pour fonder mon Mnémos à moi, Bragelonne » Marsan. Étant donné la nature de son prédécesseur (Fantasy, 18 grands récits de merveilleux), l'objet invite à la méfiance. Méfiance justifiée dès la lecture de la première nouvelle, signée Mathieu Gaborit. Un supplice, que dis-je, une torture : écriture ampoulée aux relents de puberté baudelairienne mal digérée, histoire sans grand intérêt, romantisme de pacotille, dénouement grotesque. Echaudé, je plonge dans la nouvelle de Magali Segura, où l'on peut lire assez rapidement : « Mais je vois que je commence mal mon histoire » — quelle clairvoyance ! — avant trois pages d'exposition pure sur les bons, les gentils, la géographie locale.
C'est nul, c'est niais (un comble, vu que la narratrice passe son temps à se faire violer), c'est mal écrit, c'est mal construit. Allez, zou ! Courage, plus que quatorze. Suit un texte de Richard Canal, sur une ville attaquée par un bras de sable « vivant », ennuyeux mais réservant quelques belles images. Vient le tour de Philippe Bonneyrat qui, malheureusement, ne relève en rien le niveau : son texte est sans le moindre intérêt. Et c'est à Erik Wietzel de se crasher, au propre comme au figuré, avec « Les Ailes de la renommée », une fois de plus écrit avec deux pieds gauches. Là, j'avoue, j'ai posé le livre en me disant : ce coup-ci je baisse les bras. C'est pas ça la fantasy ! À moi John Crowley, Peter S. Beagle, Michael Moorcock, Mary Gentle, Barry Hughart, Glen Cook, Tad Williams… (Bon, d'accord, il n'y a que des anglo-saxons dans la liste.). Je craque, me gave de pilules — du stolzobuprofène, pour ceux qui voient de quoi je parle. J'appelle le rédac'chef pour implorer un peu de clémence (en fond sonore, on entend clairement Noir Désir et plusieurs voix féminines et gloussantes qui annoncent que l'heure du massage est venue). « J'en peux plus…
— Cid, personne d'autre ne veut la chroniquer…
— Pitié…
— Si tu ne finis pas cette chronique, je te donne le nouveau Bernard Werber à chroniquer.
— Non, non, pas le Werber ! »
Grâce à deux stolzobuprofènes de plus, que je fais passer d'une tasse de verveine brûlante, je m'y remets. Et c'est à Fabrice Colin de livrer le premier « bon » texte de la sélection, une histoire de forêt mythique et de fantôme enfantin qui vaut plus par sa construction et son écriture, que par l'histoire en elle-même, assez banale. D'un seul coup l'horizon s'éclaircit. Ouf ! Suit une nouvelle humoristique pas marrante de Laurent Genefort, que l'on peut sauter (la nouvelle, pas Laurent Genefort !) pour passer au texte de Laurent Kloetzer, « Rélio ». Là, j'avoue, j'avais un a priori très positif et… Pas la moindre once de déception une fois la lecture terminée, puisque l'auteur de La Voie du cygne nous propose un récit dérangeant sur le pouvoir, pouvoir de séduction d'un jeune esclave sur son maître et le prince d'un royaume arabisant. Une réussite de plus à mettre au crédit d'un auteur dont on attend désormais beaucoup. C'est ensuite au tour du texte de Thomas Day le plus long de la sélection avec celui de Nathalie Dau. Comme pour Kloetzer, l'a priori était vraiment positif. D'autant que le cadre du texte — une Afrique fantasmée —, original, m'a d'emblée séduit. Malheureusement, un texte ne peut se réduire à son contexte, et « Jusqu'aux Montagnes de la Lune » m'a finalement déçu. Un style parfois laborieux, des incohérences… et au final une histoire de quête somme toute classique, néanmoins émaillée de quelques jolies scènes. Une impression tenace d'inachevé. Et même si, au regard de la qualité générale de l'antho, force est de constater que cette novella se situe du côté des textes dignes d'intérêt, nous sommes ici bien loin du Thomas Day des grands jours. On sautera aisément le texte de Corto Ravena, tout en scènes d'expositions, à mourir d'ennui. Et hop ! On fait péter le Glenlivet et deux stolzobuprofènes de plus (il paraît que si on en prend trop, on se met a dessiner des mandalas pour agir positivement sur ses chakras). Il faut bien ça pour lire le texte de David Calvo, qui part dans tous les sens, réserve quelques belles surprises, autant de belles images, mais on ne sait pas trop ce que Calvo, l'autre pirate rigolo, veut raconter en fin de compte. Dommage. Vous ne saurez jamais ce qu'est vraiment la Jabule… Suit une nouvelle de Nikos Leterrier qui, avec un point de départ en or — le règne d'une jeune impératrice sur une Nécropole et ses sujets — rate son coup : trop de scènes d'exposition, une écriture visiblement déformée par la pratique du jeu de rôle. Des défauts que l'on retrouve chez la plupart des auteurs de cette anthologie, Magali Ségura, Nathalie Dau et Corto Ravena en tête. On se prête à rêver de ce qu'un Michael Bishop ou un Michael Swanwick aurait fait avec une telle idée de départ. Je descends à la pharmacie en courant, j'ai plus de stolzobuprofènes. La pharmacienne me regarde d'un air attristé : faut dire que mes sudations font des flaques à côté du présentoir tampax/vania pocket. Quand je remonte, le téléphone sonne :
« T'en es où ? (C'est Olivier Girard. Merde ! J'avale une tablette complète et noie les douze comprimés d'une bière tiède, éventée, oubliée près du téléphone quelques jours plus tôt.)
— Presque fini.
— T'es à la bourre, Vicious ! »
Juste avant de raccrocher, j'entends deux bifrostgirls glousser dans le lointain. On passe en vitesse sur la nullissime nouvelle de Sébastien Milhou pour dire du bien du texte d'Eric Boissau, « Chienne de vie ». Ça tire à la ligne, c'est construit en dépit du bon sens, mais c'est très agréable à lire et bien marrant par endroits, à la croisée de Terry Pratchett et Marcel Pagnol (fallait oser !). Quant aux textes de Raphaël Granier de Cassagnac et Nathalie Dau, forts longs tous les deux, il me fut impossible de les finir, tant ils contenaient d'éléments stylistiques impardonnables. Pour ce qui est de la postface de Stéphane Marsan, elle est à l'image du reste, d'un amateurisme redoutable, convenue et ennuyeuse. En conclusion : à force d'avoir cantonné son anthologie dans une fantasy classique, médiévale fantastique s'il est encore nécessaire de préciser, Stéphane Marsan rate son coup, nous offre un ouvrage médiocre et prouve que la relève des Calvo/Kloetzer/Colin n'est pas encore apparue.