De ce côté-ci de l’Atlantique, on perçoit peut-être plus difficilement la stature de Brandon Sanderson. En mars 2022, ce stakhanoviste de l’écriture a annoncé, dans une vidéo publiée sur YouTube, avoir profité de ces deux années de misère covidesque et du temps gagné par l’absence de déplacements professionnels pour écrire – en toute discrétion – non pas un, non pas deux, mais cinq romans. Et quand on sait la taille habituelle des romans de Sanderson, il ne s’agit pas exactement de novellas. À la suite de cette vidéo, ce petit cachottier de Brandon a lancé une campagne de financement participatif sur Kickstarter, pour la publication de ces cinq romans. Campagne qui a explosé tous les records, avec plus de 40 millions de dollars récoltés.
Trois des romans que les heureux souscripteurs recevront s’inscrivent dans son univers du Cosmère, à l’instar d’Elantris, de Warbreaker et de « Fils-des-Brumes ». Du Cosmère toutefois, les « Archives de Roshar » constituent l’épine dorsale, et avec Rythme de guerre, Brandon Sanderson déploie le quatrième volet de cette épopée entamée voici dix ans par La Voie des rois. Ce cycle étant envisagé par son auteur en deux parties de cinq volumes, on approche donc logiquement de la fin de la première moitié.
Le décor en est Roshar, planète rocailleuse balayée par les vents, peuplée d’humains et d’une race humanoïde autochtone, les parshendis. Quand débute Rythme de guerre, un an s’est écoulé depuis les événements de Justicière (cf. Bifrost n° 96) et une coalition incertaine de royaumes humains s’est embourbée dans un conflit contre des parshendis d’un genre spécial, les Fusionnés. Cette guerre n’est toutefois que l’écho de conflits entre des créatures d’ordre divin, dont l’une est morte (même si le cadavre bouge encore). Pour les protagonistes, l’un des enjeux est la défense de la gigantesque tour d’Urithiru, cruciale à plusieurs titres ; un autre est la compréhension fine de la magie qui imprègne ce monde ; un dernier est une tentative d’alliance avec les sprènes, ces créatures résidant sur un autre plan d’existence. Cela, sans omettre d’autres enjeux, plus vastes encore et impliquant le devenir de Roshar…
À la différence de J.R.R. Tolkien ou George R.R. Martin, entre autres créateurs d’univers et références de la fantasy, Brandon Sanderson écrit beaucoup. Vraiment beaucoup, et peut-être trop. Chaque tome des « Archives de Roshar » est plus long que le précédent, et avec Rythme de guerre, cette prolixité se mue en défaut : le roman s’avère hélas interminable et assez décousu. On aimerait être aussi enthousiaste que pour Justicière. Las, action et révélation y sont distillées au compte-goutte, tandis que les protagonistes s’agitent, sans que cela suscite ici beaucoup d’émotion. Plutôt de l’ennui, en fait. Si l’on retrouve sensiblement la même galerie de personnages que les volumes précédents, l’auteur prend soin ici d’en développer de nouveaux, notamment du côté parshendi, afin de détailler davantage leur culture et leur mode de pensée différent. La toute dernière partie du roman voit toutefois l’intérêt poindre de nouveau, et laisse augurer retournements de situation et tristes surprises pour nos héros. Réponse fin 2023, avec le tome suivant…