Dans la série des auteurs australiens publiés par J'ai Lu, on trouve Garth Nix et ses romans de fantasy à mi-chemin entre la littérature pour adultes et celle pour enfants.
Premier tome d'une trilogie à venir dans la collection « Millénaires », Sabriël est un texte somme toute classique, mais peuplé çà et là de quelques astuces suffisamment originales pour séduire un public plus difficile. Dans la mesure où Sabriël est un texte avec début et fin, on peut au passage s'interroger sur la nécessité de la fameuse trilogie, exercice littéraire quasi obligé quand on parle de fantastique, mais souvent décevant. Espérons donc que la suite soit valable, et non une de ces séquelles interminables qui plombent immanquablement les cycles et autres livres univers.
En attendant, le lecteur doit prendre sur lui et ne pas être effrayé par l'abominable couverture qui montre un démon grimaçant et griffu, très occupé à attraper une jeune fille avec épée et chat blanc… On peut aimer, mais il faut le vouloir. On passera également sur la quatrième de couverture, un simple poème de collégien (« Sabriël qui de magie devra user, pour l'esprit de son père retrouver. » Hum…) qui rebute plus qu'il n'attire. Bref, le roman de Garth Nix souffre d'une présentation plutôt douteuse, ce qui est dommage, le dedans valant plus que le dehors. Pour le reste, ce récit de fantasy respecte les codes du genre, avec carte en début de livre, héros (en l'occurrence, une héroïne, ce qui ne fait de mal à personne) en quête initiatique pleine d'épreuves, monde de magie, démons majeurs, zombis et autres joyeusetés qu'on trouve dans tous les rayons bien achalandés.
Rien de bien nouveau, donc, mais Nix fait l'original en situant l'action dans un monde curieux, l'Ancelstierre. Un monde parfaitement comparable au nôtre, mais dont la frontière nord est marquée par un gigantesque mur. Derrière ce mur, on trouve l'Ancien Royaume, terre de magie dans laquelle l'électricité, les armes à feu et les réchauds à gaz n'ont plus cour… C'est une trouvaille intéressante qui reprend la vieille ficelle de l'irruption du fantastique dans le quotidien le plus banal, mais qui la décale vers une cohabitation pour le moins loufoque (les passages qui mettent en scène les soldats chargés de garder le mur sont assez bien rendus).
Résumons l'action en quelques lignes : Sabriël est la fille de l'Abhorsën, nécromancien majeur chargé de lutter contre les morts-vivants qui envahissent régulièrement l'Ancien Royaume. Confiée à un pensionnat de jeune fille au-delà du mur, elle grandit à l'abri de la magie en recevant régulièrement les visites virtuelles de son père. Mais quand elle apprend que ce dernier est tombé face à l'épouvantable Kerrigor, elle entreprend la tâche ardue de le sauver d'entre les morts. Pour ce faire, elle devra se rendre dans l'ancien royaume, y devenir le nouvel Abhorsën, combattre quelques sales bêtes assoiffées de sang, faire alliance avec un chat blanc qui pourrait bien être autre chose que ce qu'il prétend, pour se livrer à l'assaut final contre Kerrigor lui-même. Un programme chargé, que Nix nous assène de la manière la plus linéaire qui soit, mais toujours avec rythme, ce qui n'est déjà pas si mal.
On peut sourire à la lecture de ce résumé, mais il faut peut-être prendre Sabriël pour ce qu'il est, à savoir un texte destiné avant tout aux enfants de 7 à 777 ans. On y retrouve l'éternel combat du bien contre le mal, on y voit toujours le même manichéisme, mais l'idée des neufs portes de la mort (et du fleuve qui y entraîne les âmes), l'utilisation des sept clochettes ensorcelées et d'autres petits détails narratifs rendent la lecture du roman agréable. Le texte peut être comparé à Harry Potter, en moins niais et en moins drôle, sans toutefois se hisser au niveau de À la croisée des mondes de Pullman. Pourquoi pas.