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Les critiques de Bifrost

Critique parue en mai 1997 dans Bifrost n° 5

« Ils crurent d'abord traverser un musée de cire mais rapidement ils se rendirent compte qu'ils passaient à côté d'hommes et de femmes figés, qu'on aurait abandonnés après les avoir vidés de leur substance et dont les yeux grands ouverts semblaient contempler le vide pour l'éternité…

– Ces gens sont comme des vêtements entreposés dans un placard… »

Quatorzième et ultime chapitre des aventures de Rohel le Vioter, Saphyr voit le retour du chevalier des étoiles muni du Mentral, la formule mentale dévastatrice qu'il compte livrer aux monstrueux envahisseurs Garloups en échange de sa bien-aimée

Comme d'habitude, les scènes de survie dans le désert, les créatures extraterrestres, la peinture de la civilisation des Cælectes sont particulièrement réussies. Les descriptions de massacres et autres tortures gratuites perpétrées par les méchants sont complaisamment choquantes mais, naturellement, toute cette violence sied à la bassesse ici perversion des ennemis du héros.

Là où les choses se gâtent un tout petit peu, c’est l'éternel et redondant décalque de l’intrigue de base d'un roman Rohel — Rohel se trouve sur une planète plus ou moins contraint et forcé ; il y rencontre une somptueuse femme, de trop rares autochtones adhèrent à son parti ; les mêmes autochtones s’en prennent plein la figure et notre héros débarrasse l'univers de quelques mécréants. On remarquera malgré tout une différence notable, cette fois : Rohel a complètement oublié ces fameuses poires remplies de substances « soumissives » qui garnissent habituellement les parties anatomiques les plus intimes des superbes créatures croisant systématiquement sa route (le chanceux !). Oubliée donc la précieuse énergie virile que le héros s'efforçait de préserver à travers tant et tant d'aventures.

Plus gênant est l'impression tenace qu'entre prophéties, interventions divines, coïncidences extraordinaires et foi qui sauve, ce qui semble faire la différence entre « Rohel triomphe » et « Rohel se plante magistralement », c'est avant tout la volonté arbitraire de l'auteur. Pas vraiment ici de complexe alchimie entre situations, obstacles, motivations, stratégies, dilemmes, décisions et initiatives des protagonistes.

Enfin, la nature des fameux Garloups révélés, on ne peut s'empêcher de penser que l'esprit humain a décidément tendance à tout ramener à lui. Ces histoires de lutte éternelle du Bien et du Mal, qu'elles s'illustrent en Fantasy ou dans les Space Opera les plus populaires (« Utilise la Force, Luke ») ont un rien tendance à faire oublier que le Mal, ou ce qu'on qualifie comme tel, n'existe pas sans causes même à l'état de pur fantasme. A-t-on jamais vaincu une hydre sans s'interroger sur sa nature et ce qui fait sa force?

Malgré tout et comme toujours, cette aventure de Rohel reste très divertissante : à lire pour la détente.

David SICÉ

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