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Les critiques de Bifrost

Sauve qui peut. Demain la santé

Sabrina CALVO, Tristan BULTIAUW, Raphaël GRANIER DE CASSAGNAC, Benno MATÉ, Théodore KOSHKA, Lauriane DUFANT, Chloé CHEVALIER, Ketty STEWARD, Norbert MERJAGNAN, Lise N., Ellio POSOZ, Mélanie FIEVET, Jean-Charles VIDAL, Sylvain PALARD, LI-CAM
LA VOLTE
416pp - 20,00 €

Critique parue en janvier 2021 dans Bifrost n° 101

Trois ans après Au Bal des actifs, qui interrogeait les mutations à venir du monde du travail, la nouvelle anthologie de La Volte, Sauve qui peut, s’intéresse quant à elle à la médecine.

Faute d’être convaincante sur le fond (elle ne fait qu’effleurer son sujet), la nouvelle de Raphaël Granier de Cassagnac qui ouvre les hostilités constitue au moins une introduction intéressante en mettant en scène, dans un avenir relativement proche, différents rapports possibles des individus à la santé. La suite est encore moins enthousiasmante…

Il apparaît très vite que la grande majorité des participants s’est moins intéressée à la santé proprement dite qu’à sa politique. Des progrès de la recherche, de l’apparition de nouvelles maladies ou des questions d’éthique, il n’est quasiment jamais question. Partant de constats difficilement contestables (la privatisation des soins et l’abandon des services publics, la désertification médicale, la pénurie de certains médicaments), nombre d’auteurs – dont les deux-tiers ou presque sont des nouveaux venus – déroulent des futurs dystopiques tellement similaires que l’on a presque l’impression qu’il s’agit d’un univers partagé. Certains s’en tirent mieux que d’autres grâce à leur savoir-faire (Norbert Merjagnan), à une appréciable empathie avec leurs personnages (Chloé Chevalier) ou à un salvateur sens de l’humour (Benno Maté). Les autres se complaisent dans la caricature : vaccinés contre non-vaccinés (Sylvain Palard), guérilleros en lutte contre les laboratoires (Mélanie Fievet), étranges shamans futuristes capables de soigner bien mieux que n’importe quel médicament (Elio Possoz ou Jean-Charles Vidal, ce dernier a priori sans lien avec le dictionnaire médical éponyme). Globalement, ces auteurs semblent privilégier de manière caricaturale et parfois inquiétante une approche « naturelle » aux questions de santé plutôt que de faire confiance à l’industrie pharmaceutique, systématiquement considérée sous ses aspects les plus sombres.

Si Tristan Bultiauw cède lui aussi dans les derniers chapitres de sa nouvelle à cette célébration du retour à l’ordre naturel des choses, il a au moins le mérite de le faire dans un cadre très différent, celui d’un futur lointain dans lequel la population humaine se limite à quelques centaines d’individus, répartis aux quatre coins du système solaire. Et surtout, par la maîtrise de sa narration et l’originalité de l’univers qu’il met en scène, il nous offre l’une des rares bonnes surprises de cette anthologie. Théodore Koshka peut lui aussi faire valoir l’originalité du cadre de son récit, l’histoire d’une psy humaine envoyée sur un monde lointain pour y soigner aliens, I.A. et autres androïdes. Malheureusement, tout cela est écrit sans une once de style et se traîne sur plus de cinquante pages.

Le reste de l’anthologie va de l’anecdotique (Ketty Steward, dont le texte ne relève guère de la SF sinon par la forme) au tellement bizarre qu’on se demande si on n’est pas plutôt, en fait de nouvelle, en présence d’une blague (Lise N. chez qui la maladie est considérée comme une chose à aimer…), en passant par l’inabouti (Lauriane Dufant, dont le texte est intéressant mais terriblement brouillon). Les seules à tirer leur épingle du jeu sont Li-Cam et Sabrina Calvo, la première en poussant les thématiques abordées vers le cyberpunk, genre dans lequel elle est particulièrement à l’aise, la seconde en signant – une fois de plus, serait-on tenté de dire – un récit aussi beau que déroutant qui finit par se défaire du thème imposé pour s’envoler vers ailleurs.

Ces quelques réussites font que Sauve qui peut n’est pas tout à fait la purge qu’elle a failli être (et évitent au bouquin la géhenne de la poubelle bifrostienne). N’empêche que si j’avais su, j’aurais plutôt ressorti mon vieil exemplaire d’Histoires de médecins.

Philippe BOULIER

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