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Les critiques de Bifrost

Sbires

Natalie Zina WALSCHOTS
AU DIABLE VAUVERT
560pp - 24,50 €

Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117

Vous êtes-vous jamais interrogé sur le quotidien des personnages gravitant autour des super-héros ou des super-vilains ? Le taux incroyable de mortalité les frappant, par exemple ? Mais aussi leurs aspirations, leurs buts, leurs désirs ? Natalie Zina Walschots l’a fait, de brillante manière, pour les valets du mal dans Sbires. Où l’on découvre Anna Tromedlov, au nom régulièrement écorché par ses possibles futurs employeurs, en quête d’un emploi, de bureau de préférence. Car elle n’aime guère la lumière et ne se sent à l’aise que devant son ordinateur et ses colonnes de calculs. Mais les temps sont durs, y compris pour tous ces factotums nécessaires à l’organisation des plans machiavéliques : il faut bien préparer, calculer, chiffrer ces attaques gigantesques aux conséquences dévastatrices. Et ce ne sont pas les super-vilains qui s’en occupent. Non non. Ils disposent pour cela de petites mains mal payées à la couverture sociale désastreuse… et dont on se débarrasse au moindre problème. Sans parler des risques de blessures tout de même plus fréquents que dans d’autres métiers. Parlez-en aux Viandes, ces hommes (es­sentiel­lement) engagés pour leur physique impressionnant, mais qui ne font pas le poids quand un super-héros débarque dans la pièce et les jette comme des fétus de paille contre les murs. Surtout quand il s’agit de Supercollisionneur (prenez le Protecteur de la série The Boys, et vous aurez une petite idée de la force de frappe et de la dose de folie qui caractérisent ce personnage). Or, Anna est sans le vouloir projetée sur le devant de la scène et victime collatérale d’une rixe entre son patron et Supercollisionneur. Grièvement blessée, elle est mise à la porte (merci la souplesse du libéralisme !). Et va se pencher sur le coût humain des interventions des super-héros. Les résultats sont accablants.

S’attaquer à ces vedettes des comics, des films et des séries par l’intermédiaire de chiffres et de tableaux est une riche idée. Natalie Zina Walschots prend le problème par le petit bout de la lorgnette et signe un roman au rythme trépidant et aux retournements de situation nombreux. Surtout, elle ne se contente pas de signer un énième récit mettant en scène la décrépitude des super-héros : grâce au marteau sans appel du capitalisme, elle enfonce un clou définitif sur leur cercueil. Tout est monnayable, tout a un prix. On peut donc cal­culer le ratio avantages/inconvénients d’une intervention hé­roïque. Qu’est-ce qui coûte le plus cher ? Le service rendu ou les dégâts matériels et humains infligés durant l’opération ? Le constat est sans nuance. Et mo­tive Anna Tromedlov à sortir de sa réserve et à prendre l’ampleur qu’on imaginait dès le début du roman. Précédé d’une préface pertinente de Benjamin Patinaud, auteur du brouillon Syndrome Magneto (Bifrost n°111), Sbires, lecture revigorante et pleine de malice du mythe des super-héros, mérite le détour qu’un œil sur sa couverture aurait peut-être évité.

 

 

 

Raphaël GAUDIN

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