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Les critiques de Bifrost

Science et fictions à l'école : un outil transdisciplinaire pour l'investigation ?

Science et fictions à l'école : un outil transdisciplinaire pour l'investigation ?

Nathalie LABROUSSE, (non MENTIONNÉ), Éric PICHOLLE, Estelle BLANQUET, Yves BARDIÈRE, Jean-Luc GAUTERO, Marc ATALLAH, Timothée REY, Claude ECKEN
SOMNIUM
290pp - 20,00 €

Bifrost n° 65

Critique parue en janvier 2012 dans Bifrost n° 65

En cette période où l’école est encore sous les projecteurs, accusée de ne plus faire son travail, remise en cause régulièrement, où la science-fiction connaît des difficultés croissantes, il est rassurant et très stimulant de constater qu’il existe des îlots de résistance et de réflexion. Les 29 et 30 octobre 2010 ont eu lieu à l’IUFM de Nice Célestin Freinet les premières « Journées Enseignement & Science-Fiction ». Les textes qui composent ces actes mêlent intelligemment des éléments théoriques à des propositions pratiques.

Dans un premier temps, Nathalie Labrousse, Ugo Bellagamba et Eric Picholle s’interrogent sur la notion de science-fiction. Rien de novateur, mais une mise en place synthétique et utile, car tous les lecteurs ne sont pas nécessairement familiers de cet univers.

La deuxième partie fait honneur à Robert Heinlein. Après une rapide présentation par Eric Picholle de son œuvre pour la jeunesse (et une critique argumentée de sa traduction en français pour le moins imprécise), Estelle Blanquet nous propose des pistes de travail. Comment, à partir du Vagabond de l’espace, intéresser les élèves à des points aussi divers que la thermodynamique, la distinction de la masse et du poids ou le diamètre de la Lune. Stupéfiant de s’apercevoir combien un récit peut être riche d’enseignement et de promesses de découvertes. Elle nous donne ensuite une séquence « clefs en main » pour le collège, intitulée « Quelle heure est-il sur la Lune ou l’horloge géoramique des Rolling Stones ». La méthode décrite est si convaincante qu’on en vient à regretter de ne pas avoir eu un enseignant aussi novateur. Dans la même partie, Yves Bardière utilise en v.o. The Rolling Stones du même Heinlein pour étudier la langue américaine et les difficultés du vocabulaire et de la syntaxe spécifiques. Un article à réserver aux spécialistes.

La troisième section, « Et si… », aborde cette formidable richesse de la science-fiction qu’est la spéculation. Après un article sur l’intérêt pour la formation des élèves à rechercher des incohérences dans les récits (livres ou films) de science-fiction, et un autre sur les liens entre SF et mathématiques, une communication de Nathalie Labrousse propose d’utiliser l’uchronie de manière ludique dans la réflexion sur l’Histoire. En soumettant des questions du type « Et si deux espèces d’hominidés avaient survécu à la Préhistoire » ou « Si l’attentat du 11 septembre n’avait pas eu lieu », l’auteur permet à ses élèves de s’interroger sur leurs représentations, sur des éléments historiques ou culturels qui leur paraissaient évidents. Cela peut ouvrir pour certains la voie à des réflexions plus larges et, surtout, à une participation active, loin des cours passifs, où les élèves notent sans comprendre ce qui leur est dicté. Suit, pour finir, une autre séquence sur l’astronomie (très détaillée, elle aussi) à partir, entre autres, d’une illustration de Manchu.

La quatrième partie est entièrement dédiée à un album utilisé en école primaire (Plouf ! de Philippe Corentin) et à son intérêt scientifique. Si vous avez un enfant de cet âge, demandez à son professeur de tenter l’aventure !

Enfin, dans la dernière section, six communications présentent des exemples concrets, mis en œuvre sur différents niveaux et dans différents pays : du Fredric Brown en cours de philosophie ; des cours à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne qui traitent régulièrement de la science-fiction en littérature ; le rappel d’une expérience mêlant philosophie et sciences menée à l’Université de Nice Sophia-Antipolis et son bilan mitigé (les barrières entre disciplines sont tenaces) ; l’utilisation de la science-fiction en lycée professionnel, pour ramener les élèves à la lecture ; l’intérêt et la richesse de ce genre dans les ateliers d’écriture (par Claude Ecken) ; enfin, le potentiel de sa lecture en version originale pour l’étude des langues.

Cet ouvrage foisonnant est une mine de renseignements, une source de réflexions pour les professeurs, quel que soit le niveau auquel ils enseignent. Parfois ardu, malgré des efforts de vulgarisation, car nécessitant des connaissances nombreuses dans les domaines évoqués, il ne peut laisser indifférent et donne envie d’essayer, à son tour, les séquences proposées.

Raphaël GAUDIN

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