AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
600pp - 23,00 €
Critique parue en avril 2017 dans Bifrost n° 86
Scintillements a de quoi réjouir l’amateur d’Ayerdhal, du moins s’il a une âme de complétiste. L’ouvrage a en effet le mérite de rassembler toutes les nouvelles de l’auteur, des textes parus sur différents supports de manière éparpillée, et d’y ajouter dix textes inédits. Publié au Diable vauvert, devenus au fil du temps l’éditeur de cœur de l’auteur, Scintillements s’enrichit aussi d’une courte préface de Pierre Bordage et d’un assortiment d’interviews, notamment celle menée de main de maître par Richard Comballot pour le recueil Voix du futur. Bref, on ne peut pas reprocher à l’éditeur languedocien d’avoir bâclé son travail.
On ne se livrera pas ici, bien sûr, à une recension de l’ouvrage : quarante textes, la tâche risquerait de devenir vite lassante, voire rébarbative, et ce ne serait pas rendre justice à l’auteur, décédé il y a maintenant plus d’un an. Il suffit juste de savoir qu’on y trouve un condensé de ses thématiques préférées et de son intérêt pour l’éthique, les technosciences, le féminisme, le pouvoir, la liberté et l’anticonformisme. Que les éventuels curieux apprennent quand même que Scintillements propose de la rareté, notamment « Mat, mat, mat », la première nouvelle d’Ayerdhal, écrite avec son frère, pas forcément indispensable mais en mesure de flatter le collectionneur sommeillant dans chaque fan. Le recueil compte aussi son lot de textes anodins et inoffensifs, vites écrits autour d’une thématique pour satisfaire un dossier spécial dans la presse ou une plaquette promotionnelle pour une exposition. On y trouve des pastiches (« Le Réveil du croco » et « Les Seigneurs de la firme ») et des hommages (« RCW »), exercices de style codifiés dont Ayerdhal parvient à se dépêtrer en instillant ses préoccupations et son humour, parfois iconoclaste. Scintillements offre surtout l’essentiel, l’indispensable, le cœur de l’œuvre d’Ayerdhal, à savoir l’univers de l’Homéocratie (« Pollinisation » et « Scintillements »), décliné par ailleurs dans plusieurs de ses romans, sans oublier quelques-unes de ses plus grandes réussites dans le domaine de la nouvelle (« Éloge du déficit » ou l’inédit « Le Syndrome de Potemkine »), format dans lequel il ne se sentait pourtant guère à l’aise.
Ainsi, entre anticipation légère et space opera ébouriffant, exercice de style et spéculation, utopie et engagement politique, critique sociétale et sense of wonder, Scintillements propose un panorama salutaire de la carrière d’un écrivain au caractère entier, un tantinet râleur, ne négligeant aucun des aspects de son œuvre. Un auteur qui, à l’instar de Roland C. Wagner, manque cruellement au paysage de la science-fiction française.
On attend maintenant la parution de Kwak, ultime volet du « Cycle de Cybione », annoncé au Diable vauvert pour une date indéterminée.