Philippe NICHOLSON
MONTPARNASSE
384pp - 20,00 €
Critique parue en octobre 2012 dans Bifrost n° 68
Les multinationales ont pris le pouvoir. Enfin, pas de manière officielle. Pas encore totalement. Mais progressivement, leur territoire s’est étendu. Certaines villes leur appartiennent. Des villes protégées, accueillantes, avec tous les services rêvés. Bien sûr, pour y vivre, il faut montrer patte blanche et posséder un compte en banque bien approvisionné. Mais après tout, quoi de plus normal ? Et tant pis si le reste de la population voit son espérance de vie diminuer ; l’insécurité augmenter dans des proportions inquiétantes. Tant pis si les journalistes des grands quotidiens doivent faire subir quelques entorses à la vérité pour conserver leur poste et le statut qui va avec : logement sûr, hôpital de qualité, sécurité assurée…
Fjord Keeling, journaliste au National, ne l’entend pas de cette oreille. Il a déjà perdu sa femme, moins regardante que lui, plus ambitieuse. Il risque à présent de perdre son travail. Parce qu’il ne supporte pas ce monde hypocrite, parce qu’il a du mal avec l’autorité et parce qu’il se trouve impliqué dans une affaire gigantesque. Une affaire dont il va rapidement devenir le centre. Au péril de sa vie.
Voilà un thriller intelligent et efficace. Philippe Nicholson maîtrise son sujet. En quelques lignes, il plonge son lecteur dans cette France trop proche de la nôtre pour ne pas mettre mal à l’aise. A travers la chute sans élastique et sans parachute de Fjord Keeling, il le conduit d’une surprise à une autre, d’un temps fort à un moment explosif. On quitte peu Paris, dont certains travers sont juste renforcés et qui semble bien familier. Il est aisé de s’y retrouver, sur les traces de son héros agréable à suivre. Car Fjord Keeling, qu’on découvre pas à pas, nous est d’emblée sympathique : sa révolte contre une société inégalitaire et trop dure, ses problèmes familiaux (un enfant perdu entre deux parents divorcés), ses doutes devant les événements, tout cela tend à lui donner une profondeur et une densité réelles. Les autres personnages, bien qu’un peu stéréotypés pour certains (l’épouse dure et arriviste, mais encore amoureuse par exemple), jouent leurs rôles. L’intrigue tient la route et les développements s’enchaînent sans coup férir. Le rythme, haletant, laisse tout de même quelques pauses pour respirer. Serenitas est un roman qui ne se lâche pas avant la dernière page. Pas le livre du siècle, certes, mais un roman diablement malin et d’une efficacité redoutable. A dévorer sans hésitation.