Serpentine, donc, regroupe dix nouvelles. Comme l'ouvrage est publié par Léa Silhol, préfacé par Michel Pagel et dédicacé à Lisa Tuttle, on voit en un clin d'œil à quel public il s'adresse : à ceux qui s'intéressent aux vampires, au fantastique contemporain, à la culture goth et underground. Et ce n'est pas la première nouvelle, « Serpentine », maestria de tatouages, de meurtres et d'oubli, qui me contredira.
« Du bout des doigts, il effleure la surface de mon torse, toile vivante sur laquelle il va œuvrer. Pourquoi se contenter de papier quand on peut disposer d'un corps humain en guise de support vierge ? C'est un talent redoutable que le sien : imprimer un peu de soi sur la peau d'autrui et y laisser sa marque indélébile. Nikolai m'a confié qu'il s'arrange pour caser dans chaque dessin une forme évoquant un N : sa signature. » Page 22.
Comparées à Arlis des Forains, les nouvelles de Serpentine sont hautement plus maîtrisées, d'une belle densité et d'une formidable sensibilité. Outre le déjà cité « Serpentine », j'ai particulièrement apprécié le gothic-rock « Matilda » et « Rêves de Cendres ». Deux textes m'ont semblé sortir du lot : « Mémoires des herbes aromatiques », une jolie fantasy urbaine où interviennent Ulysse, Circé et Médée, et « Ghost Town Blues » qui clôt le recueil, un western fantastique manquant peut-être un peu de fluides corporels, mais qui m'a néanmoins rappelé l'étonnant Cinq cartes à abattre de Henry Hathaway (film tiré du roman éponyme de Ray Gaulden).
Forte d'une pertinence psychologique qui ne se révèle visiblement que sur la forme courte, Mélanie Fazi n'a pas volé son Grand Prix de l'imaginaire 2005, catégorie nouvelle… Alors, il ne vous reste plus qu'à acheter son recueil, histoire de récompenser ce nouveau talent, cette ambition sensible dont on attend désormais beaucoup. Quant au mot de la fin, je le laisse à la narratrice de « Rêves de Cendres » : « Il m'a traitée de goth et je lui ai ri au nez. »