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Les critiques de Bifrost

Sister-ship

Élisabeth FILHOL
P.O.L.
320pp - 20,00 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

Le 17 novembre 2082, lors de son discours de clôture de la 133e édition du congrès international d’astronautique qui se tient à Darwin, Australie, Lee Wang, directeur de l’Agence spatiale internationale, annonce un programme d’envergure qui verra le lancement de trois vaisseaux spatiaux à destination de Titan. Véritable arche de Noé des temps futurs, la mission aura pour but de transporter jusqu’à la surface de la lune glacée de Saturne cinquante-trois cuves refroidies à l’azote liquide et contenant le patrimoine génétique d’un million d’espèces terrestres dans l’espoir de les préserver pour… qui mettrait la main dessus à l’avenir.

Le 12 janvier 2097 s’ouvre le journal de mission des cinq astronautes partis à bord de l’un des trois vaisseaux, l’Olympic. Le Titanic, entièrement robotisée, s’est lui lancé un an plus tôt pour préparer le terrain. L’arrivée sur Titan se fera en juin de la même année, grâce aux bons soins de Milena, l’IA qui pilote l'Olympic et accompagne les astronautes dans leur mission. Du troisième, le Gigantic, nous ne saurons rien.

Les chapitres alternent les deux temporalités. D’un côté, les passages du discours de Lee Wang qui présentent l’histoire et l’ambition du programme, sous la forme d’un exposé qui sans doute cherche à rendre hommage à la grandeur d’une telle entreprise, mais se révèle pour le lecteur aussi lénifiant et pompeux qu’il est possible de l’être. De l’autre, le récit de voyage aussi vide de matière que l’espace qui les entoure, de cinq astronautes transparents, dépourvus de personnalités qui les distingueraient. Car il ne se passe rien et, à la fin, ils arrivent sur Titan.

C'est en lisant Sister-ship qu’on apprécie la distance parcourue par la science-fiction à l’égard de la littérature généraliste. Elle se mesure en parsecs. Si l’on aimerait souvent, pour des raisons de reconnaissance, accoler l’étiquette science-fiction à des romans de littérature blanche qui viennent s’encanailler sur les rives du genre, ce n’est ici pas le cas. Le roman d’Élisabeth Filhol évite soigneusement d’emprunter les voies, pourtant évidentes au lecteur féru de récit d’aventure et de science-fiction, qui s’ouvrent à lui, et reste en retrait, refusant les antagonismes, les tensions, préférant le confort de la lettre d’intention à la mise en danger et au vertige. Sister-ship n’a pas de direction et manque singulièrement d’ambition. Le propos est certes scientifiquement documenté a minima, à défaut d’être maîtrisé, mais à quel dessein ? Le voyage ne mène nulle part. Ajoutons à cela la volonté de l’autrice d’imposer un style où le « on » impersonnel remplace systématiquement le « nous », où les formes passives règnent et la répétition frise l’outrance, rendant la lecture pénible. Nous ne saurions que vivement décourager le lecteur de Bifrost de tenter l’aventure.

 

FEYD RAUTHA

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