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Les critiques de Bifrost

Soif de sang

Soif de sang

Rivers SOLOMON
AUX FORGES DE VULCAIN
160pp - 15,00 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Après avoir publié un à un tous les romans de Rivers Solomon (L’Incivilité des fantômes, Les Abysses et Sorrowland, cf. nos 98e, 100e et 108e livraisons), Aux Forges de Vulcain s’attaque ici à un recueil de nouvelles. Un recueil inédit, qui plus est, puisque l’éditeur a traqué les différents textes courts publiés par Rivers Solomon entre 2017 et 2022, et jamais rassemblés jusqu’ici. Le résultat est un ensemble détonnant et très intime sur la psyché de Solomon en personne. En effet, ce volume est un mélange de nouvelles (dont toutes ne relèvent pas de l’Imaginaire) et de deux essais, « Des réceptacles damnés et abîmés » et « La fureur d’une jeune femme noire » se rapportant à son expérience et à ses souvenirs de jeune fille noire atteinte de troubles psychiques ayant grandi dans le Sud des États-Unis et découvrant sa sexualité, et plus tard sa non-binarité. « Avant d’être avalée », « En appuyant sur la détente » et « De la prudence des jeunes filles » sont, elles, trois nouvelles réalistes. La première raconte l’histoire d’une jeune fille ayant trouvé un débouché artistique étrange pour surmonter ses traumatismes passés, la déscolarisation et la désocialisation qui en ont découlé. Les deux suivantes sont davantage des vignettes policières, donnant également voix à d’autres toutes jeunes femmes au passé difficile qui prennent les choses en main, non sans violence, en réponse à la violence de leur vie passée. Enfin, les trois récits restants sont du domaine de l’Imaginaire. « Soif de sang », qui donne son nom au recueil, est une histoire de fantôme, de hantise, mais aussi de renaissance, se situant avant la guerre de Sécession, sur une plantation. Elle est intéressante, mais peut-être traîne-t-elle un peu trop en longueur pour être percutante. « Flux » décrit un monde hyperconnecté où le partage permanent peut être source de douleur, mais également une preuve d’amour et de soutien. Et enfin, « Certains d’entre nous sont des pamplemousses » est une variante intéressante sur le vampirisme, les zombies et la maternité.

 

Que vous ayez déjà lu d’autres textes de Rivers Solomon ou non, ce recueil est une excellente porte d’entrée pour comprendre son œuvre, les thèmes qui la sous-tendent et la puissance de la plume de cet écrivain hors norme qui sait toucher son lectorat, le prendre aux tripes et le remuer, parfois en quelques mots seulement. Attention, les thèmes abordés – maladie psychique, violences physiques et sexuelles, racisme, etc. – le sont sans fart et sans détour. Ne vous attendez pas à voir votre sensibilité ménagée. C’est précisément cette absence de filtre, ce récit au plus près des victimes qui reprennent possession d’elles-mêmes de façon « organique », pour ne pas trop divulgâcher, qui fait la puissance de ces récits. Passez la première nouvelle, et laissez-vous porter par les autres textes de ce recueil. Avant de découvrir, si ce n’est déjà fait, les romans de la même plume.

Stéphanie CHAPTAL

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