Ugo BELLAGAMBA, Christophe DOUGNAC, Wojtek SIUDMAK, Pierre BORDAGE, (non MENTIONNÉ)
ATELIER CHRISTOPHE DOUGNAC
98pp -
Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97
L’écrivain Ugo Bellagamba et le peintre Christophe Dougnac ont fusionné leurs imaginations respectives pour produire ce bel œuvre. Vous le voyez. Vous le prenez. Vous le feuilletez. Et aussitôt, ça vous parle… C’est ainsi que, moi, je réagis à tout art graphique. Oui ou Non. D’emblée.
38 pages de peinture. 25 tableaux dont 2 dessins. 16 pages d’illustrations avec plus ou moins de texte. 5 pages illustrées/peintes en noir avec du texte par-dessus pour les cauchemars. 30 pages de texte + la préface de Pierre Bordage (2 p.) + la postface de Wojtek Suidmak (1 p. avec un dessin dudit Suidmak) + 4 pages pour les biographies, bibliographies et remerciements.
Les peintures semi figuratives de Christophe Dougnac évoquent tantôt les travaux graphiques de Philippe Curval ; tantôt les œuvres d’Yvon Cayrel (sans lignes droites), où l’on perçoit bien la texture sous jacente de la toile et l’épaisseur de la peinture, le relief des couches de matière superposées. C’est d’une beauté fascinante. On contemple. On s’y perd et on y revient. Ces peintures parlent à l’amateur de SF que je suis comme l’art religieux doit parler au croyant. Il se passe quelque chose…
Le texte d’Ugo Bellagamba n’est pas à proprement parler un poème en prose, mais il n’en est pas moins très poétique et, pour tout dire, très beau. Voilà, c’est ça : beau. Une simple aventure spatiale, pourrait-on dire. Pour peu qu’on ait un cœur sec et froid. Car c’est bien davantage une fable magnifique, un « Voyage Extraordinaire » vers un pays des « mille et une nuits » à l’onirique parfum d’ailleurs où viendrait aborder un Simbad délaissant les teintes au psychédélisme dur d’un Richard Corben.
Avec une poignée d’humanoïdes augmentés à son bord, TAÂM, super-vaisseau sensible et intelligent, a quitté une Terre agonisante, toujours et encore livrée à la guerre, à la rapine, où les rares humains survivants, comme des chiens, se disputent un dernier os… Au gré des mondes qu’ils explorent ou visitent, Ambre, la Ferrailleuse, incarnant le commerce, paiera ses emplettes de son essence même. Puis Enacryos, médiateur et fauteur de paix, instillera la compréhension là où une guerre séculaire hypothéquait tout avenir. Wong, l’ambition incarnée, plongera dans le brasier de Proxima Centauri B pour s’y consumer tel un Icare inversé avant de renaître à l’instar du phœnix en ramenant le fabuleux cœur d’un monde. Honorine, la généticienne qui entend la voix de tous les êtres d’un monde, remet sur la bonne voie les espèces s’étant fourvoyées dans les impasses de la vie. Archiboldo est quant à lui l’imagier, l’artiste créateur qui sait montrer à tous et sans qui les plus prodigieuses aventures des autres humanoïdes ne seraient tout simplement pas. Il est le forgeur de merveilles. Et Kalista, enfin, descendante de Jules Verne, captive de la boucle temporelle d’un trou noir à laquelle TAÂM l’arrache en y plongeant et qui devient la conteuse, celle qui met en mots, qui est le revers d’une médaille dont l’artiste est l’avers. Par-delà Achiboldo et Kalista transparaissent d’évidence Christophe et Ugo, évoquant chacun les places qui, selon eux, devraient être celles des artistes et des écrivains dans un rôle de passeur au sein d’une civilisation idéale qu’ils nous proposent de rêver, nous laissant entrevoir la possibilité d’un monde meilleur, épris et empreint de beauté, de paix et de vie, qui sache se souvenir sans pour autant n’avoir aucune ambition pour l’avenir. Un monde qui ne demande qu’à franchir la porte de nos songes pour advenir.
Voila un bien bel album, ambitieux justement. Tout empli de rêves et de beauté fulgurante, d’une poésie radieuse et pourtant d’une modernité étincelante. Pleins d’idées et d’espoir. Prenant et magnifique. Songeurs de monde parle tant au cœur qu’à l’esprit. Une véritable œuvre de science-fiction d’une force telle que l’on a pas si souvent l’occasion d’en lire/voir.
Aussi bien pour les amateurs d’art que de SF. Pour soi, bien sûr, mais aussi pour offrir parce qu’il est tellement utile de faire rêver. Attention, ça part comme des petits pains, il n’y en aura pas pour tout le monde – tirage limité à 1000 exemplaires financé par un crowdfunding Ulule, on commande par ici.