Jean-Pierre ANDREVON, Richard COMBALLOT, Katarzyna GADOMSKA, Jean-Pierre ANDREVON, Richard COMBALLOT, Katarzyna GADOMSKA
FLATLAND
404pp - 20,00 €
Critique parue en juillet 2023 dans Bifrost n° 111
Le projet était l’évidence même : comme il l’avait fait pour les meilleures nouvelles SF de Jean-Pierre Andrevon en composant le gros recueil Demain le monde pour le Bélial’ (critique in Bifrost n° 73), Richard Comballot souhaitait récidiver avec ses textes fantastiques, tant il est vrai que notre homme a toujours cultivé les deux registres durant sa carrière. Pour des raisons obscures, le projet n’a pas abouti au Bélial’, et c’est Flatland qui a pris le relais. Le résultat est tout simplement splendide.
Mais comment parler d’un recueil de nouvelles, surtout d’un « best-of » ? Il serait tentant de souligner ses préférences, de regretter la présence de textes jugés plus mineurs, l’absence d’autres qu’on a gardés en mémoire… En fait, les dix-huit nouvelles recueillies ici forment un bloc à la fois varié et homogène. Varié, parce qu’on y trouve une palette de thèmes et de situations participant de l’esprit même du fantastique, homogène parce que nombre d’entre elles ont pour source des terreurs, des fantasmes, des cauchemars de l’auteur (les brèves postfaces suivant chaque texte sont à cet égard édifiantes et d’une franchise rafraîchissante). Et, paradoxalement, si l’on peut juger que certaines se ressemblent (par un thème, une situation de départ, un angle d’attaque), cela ne fait que renforcer leur impact.
Jean-Pierre Andrevon déploie en effet tout son art pour prendre le lecteur d’assaut. Tantôt c’est une attaque sournoise, dans un style tout en nuances qui vous fait basculer insensiblement, tantôt c’est une attaque frontale, un coup de massue dès les premières lignes, qui vous assomme littéralement. Et on a droit à toutes les approches du fantastique : du glissement insidieux de la réalité banale (ville de province, famille ordinaire, inquiétudes diffuses) vers un univers où tous les repères s’estompent, à la plongée en apnée dans le cauchemar à l’état brut. Les brèves postfaces évoquées ci-dessus ont une autre utilité, elles permettent au lecteur de respirer.
On referme le livre terrifié et ravi.
Le fantastique peut être fragile : il suffit, pour rompre l’enchantement, d’une maladresse de style, d’un effet un peu lourd, et le cauchemar se brise. Rien de tel ici, tant Andrevon maîtrise son écriture, sait la rendre tantôt sensuelle, tantôt angoissante, toujours juste et ciselée. Du grand art.
Précision : la postface claire et concise de Katarzyna Gadomska — universitaire polonaise ayant déjà consacré des articles à l’auteur — prolonge le plaisir de lecture, mais gardez-la pour la fin de peur de gâcher quelques surprises, dont certains coups de griffes.