Sabrina CALVO
LA VOLTE
448pp - 19,00 €
Critique parue en janvier 2016 dans Bifrost n° 81
« En lui, tout est chaos, comme une salade. »
Le problème avec David Calvo, c’est qu’on voudrait toujours en lire plus alors qu’il ne nous en donne jamais assez. À sa décharge, il n’en est pas moins un hyperactif de la création en collaborant à plus d’une douzaine de jeux vidéo depuis 2012, année de son extraordinaire roman Eliott du néant, et aussi en continuant à faire vivre son web-comic Song of Beulah. Autant dire que la sortie d’un nouveau roman de ce méta-poète donne à la vie des atours de fête dont les afters peuvent se prolonger longtemps après la lecture, tant celle-ci illumine le cœur, réveille les sens et enchante l’esprit.
Avec Sous la colline, David Calvo met à exécution une grande idée : emmener ses lecteurs séjourner dans l’immeuble du Corbusier, à Marseille. En effet, qu’il s’agisse de la ville de Marseille ou de Charles-Edouard Jeanneret-Gris, dit « Le Corbusier », un réajustement de la qualité de l’image semblait plus que nécessaire : Marseille, la cité phocéenne, ne peut aucunement se résumer à un club de football, à une zone fatalement interlope ou à l’image aussi floue que fausse qu’en donnait un Pagnol très épinalisant. Calvo rend ses lettres de noblesse à une terre où la culture est riche, l’héritage antique et la modernité, naturellement, omniprésente. En 1952, cette modernité se traduit du haut de ses cinquante-six mètres par l’inauguration de « La maison du fada ». Et ici, la mise au point nécessaire était double : tout d’abord, distinguer Le Corbusier de son œuvre (oublier les travers de l’homme pour apprécier la singularité de sa création), puis distinguer son œuvre de ses avatars vérolés auxquels elle a donné naissance (et savoir faire la différence entre une Unité d’Habitation et une horrible barre de HLM).
Le pari est réussi et l’objectif dépassé. De page en page, le lecteur découvre « Le Corbu » de l’intérieur, son génie de conception et le bonheur qu’il apporte à ses occupants dans une aventure mystique où les mythes fondateurs de Marseille se réveillent et se font menaçants.
Bien d’autres surprises, et pas des moindres, en termes de profondeur thématique, font de la lecture de Sous la colline un véritable délice qui oblige le chroniqueur à sortir de sa réserve habituelle pour s’écrier : « Vas-y mon gars et surtout ne t’arrête pas : tu es comme une lumière dans la nuit noire. »