Space opéra. Que l'amateur de batailles spatiales et autres starwarseries ne se laisse pas abuser par ce titre. En effet, ledit amateur serait ici bien avisé de passer son chemin, sur ce livre en particulier mais aussi, d'ailleurs, sur l'essentiel de l'œuvre de Vance… Point d'enjeux intergalactiques et autres empires malfaisants. Quoi, alors ? Une balade sur divers mondes au gré de la fantaisie d'une vieille dame fortunée, excentrique et amie des arts, réac' à ses heures, qui s'est piquée d'entreprendre une tournée interplanétaire au cours de laquelle elle entend bien apporter à ces pauvres extraterrestres incultes les bienfaits de la musique classique terrienne… Pour ce faire, elle n'hésitera pas à affréter un vaisseau spatial, le Phébus, et à réunir la fine fleur des musiciens et cantatrices de la vielle Terre. Vogue la galère : tout ce petit monde embarque pour un périple où, on l'a compris, les déconvenues cocasses promettent de se succéder…
Space opéra tient sans conteste une place mineure dans l'œuvre vancéenne. Si on ne s'y ennuie pas, l'action, linéaire mais soutenue par une série de frasques amusantes, et sous-tendue en arrière-plan par le problème de l'énigmatique Madoc Roswyn, manque néanmoins de punch. Tout comme l'essentiel des personnages, falots et pour beaucoup à peine esquissés. Difficile de ne pas achever le livre en se disant que Vance rate ici ce qu'il réussit dans Les baladins de la Planète Géante, avec un canevas de base en tous points identique. Sauf qu'un roman de Vance, même moyen, se situe au-dessus du tout-venant. On se gardera donc de jeter ce Space opéra à la corbeille. D'abord parce qu'on retrouve, et de jolie manière, la théorie de mondes et peuples étranges, hauts en couleurs, véritable marque de fabrique du créateur de Tschaï. On y retrouve aussi, et c'est toujours une réussite, l'un de ces duos vancéens savoureux, à savoir la vieille tante riche et parvenue nantie de son neveu vénal, feignant et volontiers couard… Comme de coutume, le neveu sortira grandi de cette histoire — qui, pour lui, prendra des allures d'initiation — et finalement fait homme, alors que la tante, personnage monolithique et immuable, n'aura en rien changé ses vues et habitudes. Le sujet aussi, moins anodin qu'il n'y paraît, mérite qu'on s'y attarde. Vance nous parle ici, en bon libertarien, de tolérance, d'acceptation de la diversité, de racisme, finalement.
Voici donc un livre mineur, inégal mais plaisant, assez représentatif d'une certaine « manière vancéenne », qu'on lira non parce qu'il s'agit d'un incontournable, mais pour passer quelques heures de détente — un roman semblable au livret d'un opéra-bouffe : vif et enjoué. Et bien sûr on y trouvera confirmé le goût de l'auteur pour la musique en général et le jazz en particulier, lui qui la pratiqua longtemps.