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Les critiques de Bifrost

Spectres de Poe

Christophe CHAMBOST, Elodie CHAZALON, Christian CHELEBOURG, Florent CHRISTOL, Jérôme DUTEL, Camille FORT, Lauric GUILLAUD, Chloé HUVET, Pierre JAILLOUX, Henri JUSTIN, Isabelle LABROUILLÈRE, Guillaume LABRUDE, Pénélope LAURENT, Isabelle LIMOUSIN, Er
LE VISAGE VERT
504pp - 30,00 €

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

Ce livre recueille les communications qui ont été données, en 2017, lors d’une session des colloques du Centre culturel international de Cerisy consacrée à la destinée des œuvres et de la figure d’Edgar Allan Poe dans la littérature et la culture occidentales du xxie siècle. Il étudie les raisons de l’importance de l’œuvre de Poe et les modalités de sa persistance de nos jours, à travers les champs artistiques et culturels les plus divers (musique, cinéma, BD, art contemporain…).

Après une introduction claire qui contextualise le phénomène Poe dans notre vie aujourd’hui, faisant la part entre ce qui est significatif culturellement et l’écume de références faciles et vides de sens, tout en inscrivant l’ouvrage lui-même dans une tradition critique dont les plus célèbres représentants sont Lacan et Derrida, l’ouvrage se décompose en quatre parties, regroupant une vingtaine d’études : Sphères d’influence, Poe à l’écran, Lettres de Poe, Disséminations et résonances.

La première partie analyse, entre autres, la façon dont Poe est devenu une icône dans la culture populaire, contribuant à l’avènement de nouvelles expressions artistiques comme le cinéma ou la BD ou bien encore irriguant les nouvelles technologies, le web en premier lieu. Il y est aussi question des cycles des adaptations et de la sensible reviviscence au xxi e siècle des œuvres de Poe. La deuxième partie se consacre aux adaptations cinématographiques, plus ou moins libres, de l’œuvre de Poe, de l’avant-gardiste Jean Epstein qui sonde ce qui est montrable ou non du fantastique de l’auteur américain, aux adaptations aussi bien hollywoodiennes (jusqu’aux influences sur Del Toro ou Coppola) qu’à petit budget, du film grand public à celui d’horreur et confidentiel. Le troisième chapitre, quant à lui, a une portée plus littéraire : il s’intéresse à la façon dont Poe habite ses propres textes par l’onomastique, les problèmes qu’il donne à ses traducteurs, les questions qu’il pose à ses exégètes écrivains, comme Jules Verne, son influence sur la littérature américaine (Danielewski, Daniels) et sud-américaine (Borges, Quiroga, Caicedo). Enfin, la dernière section explore d’autres formes, intermédiales, de l’héritage poesque dans l’art contemporain : expositions (comme celle passionnante de 2004 consacrée à la « Lettre volée »), séries télévisuelles (fictions noires contemporaines comme Profiler), comics (ce que lui doit Batman), univers fantasmagorique de Tim Burton, musique (André Caplet et Claude Debussy).

Nombre d’articles sont accompagnés d’une bibliographie synthétique ayant trait à leur sujet. En fin de livre, une bibliographie générale choisie oriente le lecteur vers les ouvrages de référence consacré à Poe ; un index, précis sans être touffu, des passages de Poe étudiés, des noms mentionnés et des thèmes abordés permet d’opérer facilement ses recherches et déplacements dans le volume.

Si les analyses sont parfois pointues, comme c’est de rigueur dans un ouvrage scientifique (par exemple, seuls des musicologues aguerris pourront sans doute profiter pleinement de certaines communications de la dernière section), cet ouvrage n’en reste pas moins formidablement apéritif pour un esprit curieux de Poe, certes, mais aussi de tout le monde qui gravite autour de lui, notre monde qui ne cesse de s’en nourrir. Passionnant.

Claude ECKEN

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