Camille VON ROSENSCHILD
DON QUICHOTTE
384pp - 19,90 €
Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77
« Dieu… ce mensonge ! » Victor va vite se rendre compte de la véracité de ce cri asséné par Olga, une vieille Tzigane. Arrivé à Moscou pour une affaire banale, le jeune Français se retrouve menacé de mort, battu et sauvé in extremis par cette femme sans âge. Elle le prend à son service, le loge et le nourrit contre un travail rébarbatif et sans intérêt apparent. Mais peu de temps après, elle meurt, laissant Victor aux prises avec une réalité qu’il n’était pas prêt à entendre. Et il l’apprendra, cette vérité, de la bouche de cinq personnages étranges, disparates, au comportement surprenant. Mais peut-on attendre d’un « fantôme » une réaction humaine normale ? Car oui, Ferdinand, Piotr, Soledad, Anatoli et Viviane sont morts depuis des années. Et pourtant, ils sont avec Victor, le suivent, l’entourent. Du moins l’essaient-ils, car ils sont incapables de s’orienter même sur quelques mètres et finissent régulièrement à se cogner dans un mur. Et toujours à se disputer, se chamailler, bouder. Pour tout dire, et c’est un défaut du premier tome de cette série, ils sont insupportables. Toujours à râler, se contredire. Sans que l’on comprenne toujours pourquoi. Certes, ils sont à fleur de peau et leur condition n’a rien d’enviable. Mais trop c’est trop. D’autant que Victor lui-même a des côtés tête à claque qui donnent envie de le livrer pieds et poings liés à ses ennemis.
Cependant, il ne faut pas se laisser arrêter par ce détail. D’autant qu’il disparaît en grande part dans le deuxième tome. Le rythme de La prisonnière du Kremlin est mieux maîtrisé. Sa construction est plus efficace, avec des chapitres courts, alternant les points de vue, les personnages. Et les aventures de Victor et de ses Spiridons, déjà prenantes dans Spiridons, deviennent réellement entraînantes. En effet, le jeune homme, pour survivre tout d’abord, mais aussi tenter de comprendre ce nid de guêpes dans lequel il s’est fourré, va traverser le pays. Camille Von Rosenschild nous fait partager, lors de descriptions vivantes, la fascination qu’elle a ressentie pour la Russie. Ainsi que sa répulsion devant certains quartiers inhumains de Moscou, devant certaines régions sauvages.
Au cours de ses pérégrinations de la capitale aux confins de la Russie, Victor va progressivement mettre en place les différentes parties du puzzle. Les Tziganes d’un côté, opposées à ces mystérieux moines, tout de sombre vêtus, tous borgnes et inquiétants. Les tenants d’une vérité et ceux qui veulent la combattre. La raison de l’existence des Spiridons et de leur présence à ses côtés. Et même, il découvrira que toute sa vie n’a été qu’un vaste mensonge.
Spiridons et La prisonnière du Kremlin sont avant tout des ouvrages divertissants. L’auteure prend son lecteur par la main et l’embarque sans lui laisser le temps de la réflexion dans des péripéties nombreuses, pas toujours originales, mais narrées avec une certaine fraîcheur. Et pimentées de quelques idées astucieuses. Un voyage plutôt réussi au pays des âmes tourmentées.