La première erreur du jeune Tristran Thorn aura été de tomber amoureux. Et qui plus est de cette petite salope de Victoria Forester, une vraie garce qui, pour prix d'un baiser, lui demande d'aller chercher une étoile filante (et pourquoi pas décrocher la Lune, hein ?). Étoile qui a la mauvaise idée de tomber de l'autre côté du Mur, cette frontière qui sépare le paisible petit village de Wall du monde étrange et merveilleux du Pays des Fées. Une frontière gardée nuit et jour par les villageois, et qui n'entrouvre ses portes que tous les neuf ans à l'occasion de la Foire des Fées, un marché fabuleux qui se tient juste de l'autre côté du Mur. Mais qu'importe le Mur et ses gardes. L'amour ne connaît aucune frontière. Tristran Thorn ira jusqu'au bout de sa quête, jusqu'au bout de son destin, quitte à affronter tous les mystères de la Faërie…
Bienvenue de l'autre côté du miroir, au pays des merveilles perpétuelles. Et croyez bien qu'avec un guide comme Neil Gaiman, le voyage promet des chatoiements.
Stardust se présente en fait comme l'exemple même d'une fantasy puisée à ses sources, ni plus ni moins qu'un conte de fées. Et en matière de contes de fées, Gaiman, en maître raconteur, connaît ses gammes sur le bout des doigts. Tous les grands poncifs du domaine sont là : la quête, l'amour, le mythe de la frontière, l'enfant volé, le pays fantastique et ses êtres magiques, la reine des sorcières, les morts-vivants, l'accession au pouvoir, l'initiation… Et cette manière toute gaimanienne d'instiller au récit, avec un air de ne pas y toucher, comme un goût de cruauté diffus et prégnant tout à la fois. On frissonne, on vibre, on s'émerveille et savoure : bref, on se divertit. Et ce même si cette histoire, profondément ancrée dans le substrat folklorique anglais, doit avoir, on l'imagine aisément, une saveur toute particulière pour le lecteur anglo-saxon (les références sont nombreuses et il ne fait pas de doute que nous, public nourri au lait de la francophonie, en ratons en certain nombre).
Un regret, toutefois : l'absence des magnifiques illustrations de l'édition originale signées Charles Vess (édition américaine, chez DC Comics « Vertigo »). Ç'eût été plus cher, évidemment, mais ô combien plus beau !
Las ! Le texte se suffit à lui-même et s'apprécie en tant que tel. Gaiman démontre une nouvelle fois cette force narrative qui en fait un des auteurs les plus exceptionnels de ces dernières années.
On achèvera sur une dernière précision, un souvenir qu'on se remémorera, plutôt… l'évocation, par Gaiman lui-même, dans son interview publiée dans le Bifrost 11, d'une suite à Stardust, ou plus exactement d'une autre histoire mais qui se passerait dans le même univers et chronologiquement après les événements narrés dans le présent roman, une histoire qu'il aurait déjà commencé à écrire et qui s'intitulerait Wall. Vivement !