Dissipons d’emblée un malentendu possible : Stardust n’est pas de la fantasy, mais un conte de fées. Dissipons ensuite un deuxième malentendu possible : ce livre n’est pas pour les enfants, bien qu’il s’adresse aux adultes qui ont su garder leur jardin secret de merveilles et de surprises et de terreurs (et que les éditions du Diable Vauvert viennent de le rééditer dans leur collection « Young Adult »).
Tristran pourrait mener une vie tranquille à Mur, son village de l’Angleterre du XIXe siècle. Deux petits détails vont toutefois bousculer ce quotidien. Primo, il est amoureux de Victoria, son amie d’enfance, et il lui jure sur un coup de tête, pour prouver son sentiment, de lui rapporter l’étoile filante qu’ils ont vue passer dans le ciel. Secundo, Mur se situe à la lisière de Féérie – une notion venue tout droit, comme d’autres aspects de ce conte, de Lud-en-brume, dû à Hope Mirrlees, enfin traduit en français chez Callidor, un roman de 1926, classique de la fantasy anglaise (chroniqué dans notre précédente livraison) qui constitue sans aucun doute l’une des clés de l’imaginaire de notre auteur, lequel a souvent avoué sa dette –, et c’est là que l’astre a chu. Une fois franchie la frontière, le pouvoir de localisation qu’il se découvre et l’aide d’un vagabond qui lui offre un moyen de transport magique permettent à Tristran de vite retrouver l’étoile, ou plutôt la belle jeune femme que celle-ci est devenue dans sa chute. Il le sait, Mur est loin désormais, mais il tient, ou il croit tenir, à sa Victoria : rien ni personne ne l’empêchera d’accomplir sa quête ! Une vieille sorcière et les princes survivants d’un royaume de montagne ont toutefois des visées différentes sur son étoile. Quant à l’amour vrai, il se niche parfois là où on ne l’attendait pas…
Le plaisir que procure ce roman tient pour bonne part à ses rebondissements, qu’il paraît préférable de taire, d’autant que son adaptation cinématographique, plutôt réussie – notamment pour son casting, ses deux jeunes héros en tête –, néglige ou remplace certains d’entre eux. Surtout, les ruptures de ton donnent au voyage, une tarte à la crème de la fantasy moderne, des aspects funambulesques fort réjouissants. Bien sûr, rien de tout cela n’est original en soi, sauf que c’est voulu : l’auteur mélange, malaxe, pétrit sa pâte d’images, de mythes, et, comme dans ses scénarios de BD, il fait œuvre de création avec ce qui pourrait ne se limiter qu’à une compilation (certes séduisante).
Stardust est du tissu dont les contes sont faits, mais il est quelque chose de plus, quelque chose d’aussi salubre qu’épatant : un réenchantement du récit, voire du monde.
« Sans nos histoires, nous sommes incomplets. » (Neil Gaiman, 2000)