Fin 2018, les éditions du Bélial’ lançaient une collection dédiée au dialogue entre science et science-fiction, sous la direction de Roland Lehoucq. Pour l’astrophysicien président des Utopiales et l’éditeur de la revue Bifrost qui accueille dans ses pages la rubrique « Scientifiction », la collection s’imposait comme le prolongement naturel de vingt années de collaboration.
Après La Science fait son cinéma de Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer, et Comment parler à un alien ? de Frédéric Landragin, le troisième opus nous arrive sous le titre Station Metropolis direction Coruscant, du géographe Alain Musset. L’identité visuelle de la collection s’affirme encore une fois comme une grande réussite avec une couverture et des illustrations intérieures remarquables signées Cédric Bucaille. Dans cet essai à nouveau, et c’est la beauté de la collection, la science-fiction est le terrain d’exploration des connaissances. En s’appuyant sur une culture cinématographique et livresque proprement effrayante, notamment en ce qui concerne l’univers de Star Wars, le chercheur s’intéresse à la représentation des cités dans les œuvres de SF, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Armé de sciences sociales, l’amateur éclairé de SF dresse des parallèles judicieux entre l’évolution observée de nos villes actuelles vers des monstres tentaculaires, où les quartiers réservés côtoient les bidonvilles, et les villes imaginaires. Ces dernières peuvent être réinventées, comme le Londres de H.G. Wells ou le Los Angeles de Ridley Scott, ou créées de toutes pièces, comme la Metropolis de Fritz Lang et la Coruscant de George Lucas – les exemples sont nombreux ; toutes trouvent racine dans le présent. La cité est par essence une construction politique, et il est saisissant de constater que le regard que porte la science-fiction sur la ville du futur est résolument dystopique. La ville y est toujours sale, polluée, surpeuplée, ségréguée, violente et contrôlée. En quatre grands thèmes – croissance géographique, fragmentation sociale, violence et surveillance –, le livre d’Alain Musset dresse une cartographie sombre et quelque peu déprimante de la ville, au présent comme au futur. S’il existe en SF des utopies citadines, l’auteur ne les mentionne pas. Mais en existe-t-il ? Quoi qu’il en soit, l’ouvrage décrypte les images de la science-fiction par le langage de la science. L’une et l’autre s’alimentent et projettent un éclairage aussi terrifiant que fascinant sur le monde qui nous attend.
On ressort de la lecture de Station Metropolis direction Coruscant avec le sentiment que là, ici et maintenant, il est en train de se construire quelque chose d’essentiel. Si la science-fiction est un laboratoire d’idées, la collection « Parallaxe » en constitue les annales. Son troisième titre confirme que l’ambition de son directeur et de son éditeur est tournée vers la production d’un corpus unique au sein de l’édition française, ne visant rien de moins que les étoiles. Per aspera ad astra.