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Les critiques de Bifrost

Super Etat

Brian ALDISS
MÉTAILIÉ
221pp - 18,00 €

Critique parue en janvier 2003 dans Bifrost n° 29

Sous-titré L'Union européenne dans quarante ans, ce roman est un instantané sans concession de la société future : l'isolationnisme inspiré par un État fort et désireux de le rester amène le président de Bourcey à couler un cargo de deux mille réfugiés du Tébarou, entraînant par là les représailles de cette petite nation asiatique. Bien que le Tébarou présente ses excuses pour l'envoi par erreur d'un missile sur une ville autrichienne, de Bourcey envisage d'entrer en guerre. Alors que les Foudéments jouent les trublions sur l'ambiant (le réseau électronique), Esme Brackentoth, la toute fraîche épouse du fils du président (représentée à son mariage par un androïde faisant office de doublure, alors qu'elle inaugurait un restaurant chic au sommet de l'Everest), est enlevée par des terroristes désireux de contrer la politique de de Bourcey. Dans le même temps, suite au réchauffement de la planète, un morceau de banquise s'effondrant dans l'océan provoque un raz-de-marée de l'Irlande à la Bretagne, tandis que l'expédition spatiale parvenue sur le satellite de Jupiter, Europe, trouve sous la glace une forme de vie… comestible.

On se perd parfois dans la foule de personnages qui tressent la trame de ce récit aux destins imbriqués. Procédant par touches, Aldiss multiplie les séquences courtes intercalées de messages, publicités et micros-trottoirs, pour proposer une vision éclatée et foisonnante de sa société. Le tableau qu'il brosse est une charge contre une Europe réductrice de libertés, soumise aux délires d'un président belliqueux ; ainsi, l'aide aux défavorisés impose des conditions comme le renoncement au tabac et à l'alcool, le bannissement de la culture pop, de la vidéo et de l'idolâtrie des vedettes du sport ou de la télé, encourage la lecture par l'envoi trimestriel d'un livre dont le choix est malheureusement orienté ou trop ambitieux.

Super État n'a pas l'ampleur visionnaire du Brunner de Tous à Zanzibar ou du Troupeau aveugle. Mais l'auteur est moins enclin à spéculer sur la société future qu'à soulever des questions métaphysiques portant sur le vide spirituel du monde contemporain. « La vie était plutôt agréable… en réalité elle était passionnante. Pourtant, elle était… vide. » La plupart des protagonistes sont hantés par un sentiment d'inutilité et de vacuité qui les pousse vers une quête de sens. Sarcastique, Aldiss, à l'image des I. A. et androïdes s'efforçant de comprendre ces déroutants humains, porte sur le futur un regard désabusé teinté d'un humour très british. Un livre d'une envergure moyenne, mais agréable à lire.

Claude ECKEN

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