John SCALZI
L'ATALANTE
320pp - 22,50 €
Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115
Charlie Fitzer est un ex-journaliste économique, un actuel prof remplaçant divorcé et un global loser si on a de lui une vision panoptique. Il vit seul avec sa chatte, Héra, et rêve d’arrêter son boulot de prof pour racheter le pub local. Mais pour cela il faudrait de l’argent, ou au moins un actif quelconque à mettre en gage afin d’obtenir un prêt bancaire, car ce n’est pas auprès de ses demis frères et sœurs, copropriétaires indivis et hostiles de la maison qu’il habite, qu’il obtiendra le moindre soutien.
Charlie avait perdu sa mère très jeune puis son père plus récemment, et c’est maintenant son oncle, Jake, qui vient de décéder. Un oncle milliardaire sorti de sa vie depuis une dispute avec son père lors des obsèques maternelles, et dont les dernières volontés sont qu’il le représente à ses propres funérailles jusqu’à l’incinération. Étrange requête appuyée par Mathilda, une collaboratrice dudit oncle, qui lui propose en échange de ce « service » une somme permettant de régler son problème d’indivision et d’acheter le pub convoité. Arguments convaincants, Charlie accepte. Mais les obsèques sont plus qu’étranges : n’y sont présents que des thugs patibulaires dont le seul objectif semble être de vérifier, couteau à la main, puis dans le poitrail du collatéral, que l’oncle ne simule pas sa mort. Quand la maison de Charlie explose avec un agent fédéral à l’intérieur, Mathilda finit par avouer au jeune homme que son oncle, loin d’être un simple tycoon des parkings, était en fait un supervillain richissime dont elle était l’assistante, et que la chatte Héra est un animal génétiquement modifié placé chez lui pour le surveiller afin de le protéger. Le tout fait de Charlie l’héritier d’un empire du mal avec base tropicale et arme de destruction massive (genre SPECTRE) dont il ignorait jusqu’à l’existence.
Il va devoir investir sa base et vite apprendre son nouveau métier, car les associés et concurrents de Jake veulent parler avec Charlie, faute d’avoir pu l’éliminer avant qu’il n’hérite — une option qu’ils n’ont d’ailleurs toujours pas écartée.
Avec Superméchant débutant, Scalzi livre un roman léger et assez drôle. Reprenant les clichés sur les organisations criminelles comme SPECTRE ou HYDRA (en moins flashy), il place à la tête de la plus puissante d’entre elles un gentil naïf qui découvre un monde de requins et doit se mettre au niveau pour seulement survivre. On est donc dans du comique de situation par le décalage entre ce qu’est profondément Charlie et ce qu’il devrait devenir pour être un bon Superméchant ; comique amplifié par l’intervention de dauphins génétiquement modifiés qui sont revendicatifs, vindicatifs et très mal embouchés, aussi différents que possible des dauphins trillant en ternaire de David Brin.
Aussi drôle que cela puisse être, l’ensemble finit pourtant par tourner court, la faute, sans doute, à trop de bavardages et une intrigue assez creuse. Passé l’amusement initial, la lecture tourne donc un peu à vide, Scalzi énonçant sans grande conviction, entre deux interminables dialogues, quelques-unes de ces vérités premières dont il a dorénavant le secret et qui en font une des bellepersonne-étalons du fandom. Un décor original méritait une histoire passionnante, celle-ci est tout juste correcte.