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Les critiques de Bifrost

Superposition

David WALTON
ACTUSF
408pp - 20,00 €

Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85

Il existe assez peu de fictions axées sur la physique quantique. Les gens qui rejettent la SF le font car ils ne parviennent pas à suspendre suffisamment leur incrédulité pour accepter les divers objets science-fictifs. Bien qu’il s’agisse de science, et non de science-fiction, la physique quantique exige le même genre de démarche intellectuelle. Au niveau subatomique où s’applique la théorie quantique apparaissent comme possibles, comme vrais, des événements qui heurtent violemment le bon sens commun. La physique quantique résiste à sa traduction littéraire car, étant difficile à se représenter, elle est impropre à l’élaboration des métaphores dont se nourrit le genre. C’est la gageure qu’a entrepris de relever l’auteur.

Lorsqu’un soir d’hiver, Brian Vanderhall déboule chez Jacob Kelley, son ancien collaborateur, ce dernier sent que les ennuis viennent de lui tomber sur le râble. Vanderhall a réussi à transposer les phénomènes quantiques dans le macrocosme. Ce faisant, il a provoqué des entités quantiques qui semblent voir d’un mauvais œil (qu’elles n’ont pas) cette découverte et entendent bien refermer la boîte de Pandore.

Le lendemain, Kelley retrouve Vanderhall mort dans leur ancien laboratoire de l’accélérateur de particules du New Jersey. Exactement dans le même temps, il est arrêté par la police pour le meurtre de Vanderhall alors qu’il vient, lui, d’assister au massacre de sa famille par l’entité quantique bien qu’il n’y ait nul cadavre. Fuyant le labo de Vanderhall pour échapper à l’entité quantique, Jacob Kelley et son oncle tombent sur un Vanderhall bien vivant, planqué dans sa bagnole… Faut suivre, oui.

Tandis que les chapitres impairs nous montre Kelley enquêtant pour tenter de se disculper, d’y comprendre quelque chose et si possible de retrouver sa famille, on le voit passer au tribunal dans les chapitres pairs pour le meurtre de Vanderhall, de nouveau disparu. Pour flics et magistrats, il est clair que l’on cherche à leur faire prendre des vessies pour des lanternes, même quand un second Jacob Kelley se présente à la barre pour témoigner au procès de l’autre lui-même.

Le monde de Kelley finira par retomber sur les pattes de la normalité (ou presque) une fois que les probabilités se seront effondrées, comme lorsque l’on ouvre la boîte du fameux minou qui cesse dès lors d’être « à la fois » mort et vivant.

Superposition est un thriller judiciaire et un polar où les phénomènes quantiques d’ordinaire circonscrits à l’univers des particules se voient transcrits à échelle humaine pour y défier le sens commun. Le tour de force de David Walton est de réussir à offrir un roman accessible bien qu’à base de concepts ardus. Peut-être pour y parvenir en fait-il un peu trop en ce sens, d’ailleurs. Il demande une telle suspension de l’incrédulité qu’on peine à y croire. Et si vous étiez jurés, vous, à ce procès-là ? Même s’il ne satisfait pas pleinement, si on est loin de recevoir toutes les explications qu’on est en droit d’espérer, l’ensemble n’en fonctionne pas moins et se lit fort agréablement.

Jean-Pierre LION

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