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Les critiques de Bifrost

Sur les terres de Tolkien

Sur les terres de Tolkien

John HOWE
L'ATALANTE
120pp - 32,00 €

Bifrost n° 76

Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76

Pour une personne ayant découvert « Le Seigneur des Anneaux » avec l’adaptation cinématographique qu’en a fait Peter Jackson, il est difficile d’imaginer la Terre du Milieu autrement que de la manière dont elle lui est apparue pour la première fois à l’écran. Et peut-être encore plus de réaliser qu’il fût une époque où les lecteurs de la trilogie de Tolkien n’avait pas forcément en tête la même chose quand on évoquait l’Argonath, le Balrog ou encore Minas Tirith. C’est dire l’influence que les images nées de l’esprit de John Howe, et réutilisées par Jackson, ont pu avoir. De fait, quand on replonge dans l’histoire originale aujourd’hui, il s’avère pour ainsi dire impossible de s’affranchir des visions des cavaliers noirs, de la Porte de la Moria ou même, en allant chercher dans les petits détails, de lembas (cette nourriture elfique dont une bouchée vous cale pour une journée) qui nous ont été offertes par l’artiste canadien. Certainement parce que personne n’a su aussi bien que lui donner vie aux mots de J.R.R. Tolkien (2).

John Howe, sur les terres de Tolkien nous propose de replonger en Terre du Milieu à l’aide des croquis et des dessins, des peintures et des merveilles de l’illustrateur ayant séjourné un certain temps en Champagne-Ardenne, région qui a publié le superbe ouvrage qui nous occupe à l’occasion d’une exposition des œuvres de l’artiste. Pour une fois, les éditeurs ont compris que face à de telles images, les textes pesaient parfois trop lourd. C’est certainement pourquoi ils n’ont mis que quelques pages d’explications (le plus souvent admiratives) avant de conclure l’ensemble par une courte (auto)biographie (très intéressante, soit dit en passant). La part belle est ainsi laissée au plaisir de regarder et non de lire.

Ainsi, cet album nous permet de retrouver des personnages et lieux devenus maintenant célèbres, mais également de constater les changements effectués par Jackson quant aux visions de Howe — et, pourquoi pas, éventuellement comparer la nôtre à celle de l’artiste, pour peu qu’on soit parvenu à ne pas se laisser « contaminer » par ses productions à la lecture des livres de Tolkien (Howe illustrant par ailleurs la plupart des couvertures des ouvrages de l’auteur de Bilbo, privilège qu’il partage avec l’artiste anglais Alan Lee). Si certains rendus déçoivent un peu quand on constate les traits flous prêtés aux figures humanoïdes, l’ensemble ravi néanmoins l’esprit et l’imagination par la richesse des détails offerts et l’élégance du trait servant si bien l’univers tolkienien. Il est amusant de constater que, parfois, les simples croquis préparatoires sont encore plus fascinants que les peintures qu’ils ont aidé à faire naître.

C’est pourquoi, que l’on soit un expert de la Terre du Milieu ou un simple néophyte attiré par l’art à tendance heroic fantasy, John Howe, sur les terres de Tolkien constitue une excellente lecture, ou plutôt une merveilleuse découverte d’un ailleurs non pas « enchanteur », mais totalement envoûtant. Voici en tout cas un beau complément à l’œuvre de Tolkien.

Sophie CORRADINI

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