Barnett CHEVIN, Paul Martin GAL, Kéti TOUCHE, Jean-Pascal MARTIN, Marie THULLIEN, Hélène DUC, Yann QUERO, Cyril DURR, Pierre DE BEAUVILLÉ, Serge ROLLET, Franck STEVENS, Sylwen NORDEN
NESTIVEQNEN
408pp - 20,00 €
Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91
Dans le dernier Bifrost, je demandais ouvertement à qui pouvait bien s’adresser l’anthologie lovecraftienne de S.T Joshi Chroniques de Cthulhu, publiée chez Bragelonne, ouvrage traversé par une évidente ambition post-lovecraftienne (à défaut de meilleur adjectif), et assez peu, par conséquent, à destination des rôlistes en quête d’idées pour leurs scénarios. Ici, après la lecture de quelques nouvelles, la question ne se pose plus. Les deux tomes de Sur les traces de Lovecraft s’adressent en priorité aux (jeunes ?) rôlistes qui ont envie de dépoussiérer le Necronomicon posé sur l’étagère d’Oncle Bob, de séjourner à Arkham, de faire une croisière à Innsmouth et de chasser du dieu multidimensionnel au fusil de chasse à canons sciés, ce qui est raccord avec le succès (14 000 euros levés, quand même) de la campagne de financement participatif sur Ulule de ladite anthologie.
Les deux tomes de Sur les traces de Lovecraft rassemblent un pot-pourri d’histoires plus ou moins maîtrisées, qui ne se prennent jamais vraiment au sérieux et sautent à pieds joints dans le poncif lovecraftien, comme de sales gamins qui veulent éclabousser un max et se moquent de rentrer chez eux les Nike pleines de merde de shoggoth et les pantalons crottés jusqu’aux bretelles. À noter quand même que le tome 1 est sensiblement de meilleur niveau que le tome 2 (dont l’existence a été permise par la levée de fond, CQFD). Les amateurs d’adjectifs torturés choisis avec soin, de belles phrases controuvées, sculptées sur peau d’indigène mélanésien, seront sans doute un poil déçus, les gardiens du temple lovecraftien risquent de s’étrangler comme s’ils avaient avalé tout rond une poignée de D10, mais bon, pour le reste, c’est plutôt 100% fun et cela permet de découvrir tout un tas de nouvelles plumes (parfois aiguisées de traviole, mais c’est le jeu), comme celle de Kéti Touche, franchement convaincante. Si la nouvelle de Guillaume Maréchal est affligeante au point d’en être douloureuse à lire, celle de Paul Martin Gal, qui précipite de vrais héros howardiens dans une intrigue lovecraftienne, est d’une ambition assez étonnante. Le reste, dans un registre presque toujours populaire ou franchement tongue-in-cheek, reste de bonne tenue. On n’ira pas jusqu’à faire basculer l’ouvrage dans le caddie de Bifrost, mais force est de constater (du poulpe ?) que c’est plutôt une bonne surprise. Dans un monde parfait, cette anthologie aurait dû s’appeler Sur les traces du jeu de rôles trop kikoolol L’Appel de Cthulhu, mais ça ne laissait pas assez de place pour l’illustration de couverture.