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Les critiques de Bifrost

Sympathies for the devil

Thomas DAY
FOLIO
400pp - 9,40 €

Critique parue en octobre 2020 dans Bifrost n° 100

Il est peu d’exercices aussi risqués que de revenir, vingt ans après, sur des textes qui vous avaient filé une vraie claque. Souvent, en effet, le souvenir de la claque s’avère plus puissant que le texte lui-même, qui a pris vingt ans. Comme le critique, bizarrement. Et comme l’auteur, dont il connaît le parcours ultérieur. Quoi de commun entre le gamin encore dans la vingtaine, le Thomas Day presque débutant qui s’apprêtait à tout casser, et l’auteur plus que confirmé que Bifrost honore de ce numéro spécial ?

Mais le risque paye parfois : Sympathies for the Devil n’a pas pris une ride. Si vous aviez lu ces textes à leur sortie, relisez-les, ils le méritent. Et si vous avez la chance de les avoir encore à découvrir – précipitez-vous, c’est toujours de l’excellente came.

Sympathies for the Devil, en l’an 2000, c’est un recueil de cinq textes : « Une forêt de cendres », « L’Erreur », « Cette année-là, l’hiver commença le 22 novembre », « La Notion de génocide nécessaire » et « Démon aux yeux de lumière » ; une seconde édition, dite « Redux », remplaçant le plus classique « Cette année-là… » par deux autres nouvelles : « À l’heure du loup » et « La Mécanique des profondeurs », et remaniant légèrement les autres textes, est parue en 2004.

Au-delà de la référence aux Rolling Stones, amplement justifiée – le rock est omniprésent, de même que la drogue, le sang, le sperme, le feu… – le titre, s’il est superbe, s’avère trompeur : ce n’est pas tant de sympathie qu’il s’agit, que d’empathie. « J’ai toujours eu une haine pathologique de la réussite, et une tendresse particulière pour les champions de l’échec », fait dire Thomas Day à l’un de ses personnages. Le moindre des paradoxes n’est pas que cette tendresse soit bien présente, quoique souvent pudiquement dissimulée sous une débauche de brutalité, chez des personnages au profond desquels on pressent parfois comme une vie intérieure étonnamment limpide.

Il serait vain de coller des étiquettes sur les nouvelles de ce recueil. On y croise des démons – évidemment – et des dieux, des dragons, des reines et des ducs, des méchants à la Pulp Fiction, des extraterrestres, de la technologie, des vampires et même – c’est dire – des fonctionnaires courageux. Fantastique, fantasy, fantasy urbaine, high fantasy, histoire secrète, science-fiction ? Oui, tout ça. À la fois. Tout ce qu’il fallait, en l’an 2000, pour qualifier un jeune auteur français inclassable mais puissamment original et incroyablement prometteur. Et, en 2020, pour ne pas s’étonner que la plupart de ces promesses aient été tenues.

La plupart. Parce que relire Sympathies for the Devil, c’est aussi reprendre en pleine poire « La Notion de génocide nécessaire ». De la SF de classe mondiale. (On se demande d’ailleurs bien pourquoi ce texte n’a jamais été traduit…)

Putain, Gilles, qu’est-ce que tu attends pour te lâcher !

Éric PICHOLLE

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