Ce recueil de l'homme qui a promu la science-fiction et le fantastique en France, grâce notamment à ses notules dans Fiction et ses anthologies chez Casterman et Denoël, a des allures de testament. Fabienne Leloup, dans sa préface, montre en quoi ces nouvelles sont des tableaux romantiques, symbolistes, surréalistes, où la femme occupe une grande part.
Mais on peut y repérer un autre fil conducteur, celui, chronologique, des principales étapes de la vie : de la révolte de l'adolescente pour « L'Habitant des étoiles », on passe aux divers émois amoureux de la jeunesse, surtout caractérisés par la timidité et les déceptions ; la femme paraît souvent inaccessible ou prédatrice (« Sur un air de fête », « Aurora »), et l'homme en vient à préférer des substituts : il tombe amoureux d'un mannequin d'exposition (« Seuls, toi et moi, mon amour ») ou décide de se faire fabriquer la femme modèle. À la recherche de l'Autre idéal, les êtres se manquent : à la fenêtre d'en face n'apparaît qu'un fantôme, mais parfois, on finit par rencontrer la femme entrevue en rêve (« La nuit du Vert-Galant »). Le narrateur constate pourtant que le bonheur est monotone, une fois la quête achevée et la vie rangée. Monotonie à laquelle essaie d'échapper l'homme mûr qui établit une rupture dans son quotidien en partant à l'aveuglette et se découvre un nouvel amour (« Carrefour du temps »). Avec « Fin d'un amour » vient la rupture. « L'heure du passage » rappelle que nous ne faisons que passer en ce bas monde. Quelqu'un, quelque part, a forcément tenu une liste de nos erreurs et de nos méfaits (« La Convocation »). À quoi ressemblera le passage vers l'Autre Côté ? Dans « Deux personnages dans un décor vide », plus que jamais il s'agit de trouver des réponses derrière les signes et les symboles. Hasardeuses visions, ensemble de textes brefs dont certains titres sont éloquents (« Inventaire de la mort », «L'œil de l'abîme »), clôt cette chronologie en se risquant encore un peu plus avant dans la connaissance de cet au-delà, où le jardinier de l'Eden se prénommerait Phil.
Le dernier texte, écrit en collaboration avec Fabienne Leloup, est un hallucinant récit qui reprend les thèmes majeurs de l'auteur ; une artiste acharnée à aller au bout de sa quête artistique sculpte avec des lames et des couteaux, à même la chair humaine.
Entre Kafka et Buzatti, ces textes fantastiques, classiques dans leur facture, sont envoûtants par le charme de l'écriture, d'une indéniable poésie. Dorémieux va à l'essentiel en peu de phrases, campant un décor, une situation avec une élégance mesurée dans la précision et l'économie des mots.