Deuxième ouvrage signé d’un auteur français (ou plutôt de deux, dans le cas présent) après Le Manuscrit de Grenade de Marianne Lecomte, depuis l’arrivée de Célia Chazel (transfuge des éditions Mnémos) chez Pyg-malion pour développer ce type de parutions (à savoir, de la fantasy francophone), Teliam Vore a beau constituer un premier roman, son univers n’est pas forcément inconnu de tous.
En effet, les deux auteurs, ainsi que leur complice Matthieu Leveder aux dessins, sont à l’origine des Chimères de Mirinar, un projet diffusé en ligne depuis quelques années déjà, une approche qu’ils regrettent d’ailleurs presque aujourd’hui, car il est aisé de passer pour d’éternels « wannabe » auteurs.
Au départ, il y a de toute évidence l’envie de proposer autre chose au lecteur qu’un banal univers médiéval-fantastique de plus. Les auteurs semblent nourrir une réelle ambition, une envie de bousculer les partis pris les plus classiques du tout-venant de la fantasy épique. On pourrait même évoquer une volonté de déconstruction : ici, pas de nom « exotique » à rallonge, pas de manichéisme exacerbé, pas de races par dizaines qui au final se ressemblent toutes plus ou moins…
Le cadre lui-même se révèle intrigant, porté par de bonnes trouvailles (les différents courants de magie, les mondes-miroirs, les Arches…), et les auteurs font preuve d’un certain souci du détail. Mais on flirte aussi parfois avec un trop-plein d’explications qui pour le coup nous ramène au cliché du monde trop planifié qui finit par écraser son intrigue. Et pourtant, l’écriture en elle-même est plutôt fluide, évitant l’écueil du premier roman croulant sous les adverbes et les descriptions interminables.
L’intrigue, justement, aux thématiques fournies et en fin de compte très actuelles, est relativement bien charpentée. Démarrant assez simplement, elle se complexifie peu à peu, développant une certaine noirceur.
Dommage par contre, là encore, qu’on ne puisse faire l’impasse sur un bémol : l’action. Elle occupe au bout du compte une place non négligeable, ce qui finit par lasser, surtout quand, dans le même temps, certains éléments de cet univers (les Titans, etc.) ou fils d’intrigue semblent finalement mis de côté sans raison.
Les personnages constituent également une source de déception : et c’est sans doute là le point le moins convaincant du roman. En dehors d’Elsy, d’Elodianne, et peut-être de la figure de Teliam Vore dans un registre bien différent, ils manquent tous cruellement de profondeur. La galerie de protagonistes, souvent forts en gueule, se limite à ce trait de caractère, sans plus. Il faut dire qu’ils ne sont vraiment pas aidés par les dialogues : là où un Glen Cook est parvenu à créer un langage argotique imagé, Teliam Vore échoue tristement, plombé par un vocabulaire douteux. Il ne suffit pas de quelques « putain » et autres « enculé » pour donner une réelle saveur aux échanges.
Au final, Teliam Vore est certes un roman ambitieux, mais dont on se demande s’il ne chancelle pas sous son propre poids. Un fait peut-être imputable à sa gestation compliquée — retravailler un roman n’est pas chose aisée, surtout quand on doit faire sauter près d’une cinquantaine de pages par rapport à la version autoéditée. En l’état, on ne peut qu’espérer que les auteurs aient tiré les leçons de cette première expérience pour nous proposer à l’avenir quelque chose de plus abouti… Reste que pour l’heure, on fera aisément l’impasse sur Teliam Vore, quand bien même ce roman demeure un cran supérieur par exemple aux dernières parutions d’auteurs français chez Mnémos.
Impossible maintenant de conclure sans évoquer l’épouvantable couverture du livre. Cette illustration proprement hideuse représente un véritable repoussoir, une horreur qui, une fois de plus, n’arrangera pas l’image de la fantasy en général…