Curieux événement éditorial que celui-ci : ce livre, relativement court (une novella, en fait), est proposé dans la collection « Ailleurs et demain », mais, en pages intérieures, dans une sous-collection, « Le Labo », dont il est expliqué qu’elle «propose de courts romans d’auteurs passés à la postérité ou des voix contemporaines qui donnent à voir le monde autrement ». Ce qui va sans doute de pair avec le macaron « culte » qui orne la couverture. Difficile de savoir si Sven Holm est un auteur culte qui est passé à la postérité ; au Danemark, il semble être un écrivain majeur, mais au-delà des frontières, il paraît nettement plus confidentiel, si on en croit les différentes pages Wikipédia consacrées à l’auteur — aussi ce « culte » semble quelque peu surfait, et en tout cas très marketing. Mais revenons au texte… Termush, c’est le nom du lieu où se situe cette histoire, un hôtel dans lequel des personnes prévoyantes ont réservé leur place dans la perspective d’une fin du monde. Après une première fausse alerte qui les avait vus investir les lieux, cette fois-ci c’est la bonne, les hôtes, comme les appelle le narrateur, qu’on imagine tous aisés, se rassemblent à Termush, sous la vigilance de la direction de l’hôtel et de ses nombreux employés qui vérifient régulièrement la radioactivité, les invitent à gagner les abris en sous-sol quand celle-ci est trop agressive, préviennent les actes inconsidérés des hôtes et leur proposent des sorties lorsque le temps le permet. Ces événements rythment leur vie de manière cyclique, lancinante, comme un morceau d’existence qui se retrouverait hors du temps, dans une bulle. Une impression de temps suspendu parfaitement rendue par l’auteur, au gré de la récurrence de certains motifs, de diverses scènes, le tout décrit dans un style sans effet relativement froid. On pourrait imaginer que le narrateur vive plus intensément les événements — notamment ceux de la dernière partie, à mesure que ce bastion de sécurité et d’humanité voit converger vers lui des hordes de réfugiés affamés, ainsi que son histoire d’amour avec l’une de ses coreligionnaires — mais non, tout semble lui advenir sur le même plan, comme si ses émotions, ses sentiments, avaient été annihilés par les événements l’ayant conduit à son séjour à Termush.
À une époque où le post-apocalyptique accuse une tendance au démonstratif, Termush, côte Atlantique prend le contre-pied en proposant une atmosphère plus contemplative, mais sans doute encore plus désespérée, tant l’horizon semble ici bouché. Implacable, ce roman est aussi l’occasion de lire de la SF danoise. Aussi suivra-t-on avec attention les prochains livres publiés au sein de cette sous-collection un brin curieuse.