Arthur C. CLARKE
MILADY
408pp - 8,20 €
Critique parue en avril 2021 dans Bifrost n° 102
2276. Duncan Makenzie, âgé de trente ans, est le fils-clone de Colin, lui-même fils-clone de Malcolm, le colon terrien qui a installé une petite société permanente sur Titan et y prospère depuis en vendant l’hydrogène nécessaire au fonctionnement des vaisseaux à fusion. La société titanienne vit dans un univers hostile où le froid est intense et l’atmosphère empoisonnée, mais, de petite taille et très organisée, elle survit sans trop de difficulté au prix d’un indispensable commerce extérieur. La dynastie Makenzie dirige Titan avec bienveillance, et désormais il est temps pour Duncan d’aller sur Terre pour faire fabriquer le clone qui sera son fils. Il doit aussi représenter son monde aux cérémonies du cinquième centenaire de la déclaration d’indépendance des USA, pour lesquelles on vient de tout le Système solaire. Ce sera pour le jeune homme l’occasion de découvrir le monde de ses ancêtres, de renouer avec une histoire sentimentale passée, et de lever le voile sur un étrange trafic de titanite.
Que dire ? Le début est intrigant et certaines descriptions de paysages titaniens vraiment belles. Puis, entre le monde de prospecteurs, des rivalités interfamiliales qu’on voit poindre (et resteront mort-nées), le nom Makenzie, et la difficile adaptation de Colin à la gravité terrestre, on pense au Luna de Ian McDonald et on espère une histoire de la même eau. Hélas, c’est loin d’être le cas. Parti de Titan, Duncan voyage dans un vaisseau de tourisme et il ne s’y passe pas grand-chose — sinon qu’il peut inutilement jeter un œil au nouveau type de moteur à même de ruiner l’économie de l’hydrogène, et qu’il aurait pu pratiquer le sexe en apesanteur à l’occasion du retournement de l’astronef. Arrivé sur Terre, Colin visite le monde, fait un ersatz de « Grand Tour ». Nous découvrons alors avec lui une planète qui a drastiquement réduit sa population jusqu’à 500 millions, enterré ses bâtiments sauf les historiques, et connaît visiblement une grande prospérité. On s’y distrait beaucoup et on y utilise un réseau télématique qui évoque Internet. Le jeune homme y vivra quelques aventures diplomatiques et amoureuses.
On croise dans le roman quelques réflexions intéressantes sur un développement durable de la planète après l’âge des « Tourments ». On observe que Clarke est toujours un vulgarisateur à l’affût des avancées et des potentialités de la science. On remarque une fois encore son goût d’ingénieur pour la description détaillée des machines et des mécanismes qui rappelle Jules Verne. Mais le style est quelconque et l’histoire peu complexe, la primauté donnée aux USA sur l’humanité signe un manque désastreux de vision prospective, les personnages, aussi peu crédibles que les tourments amoureux de Duncan, sont des bons bourgeois des années 50 envoyés dans l’avenir avec leurs manières et leur habitus intacts (on les croirait exfiltrés d’un épisode de Doris Day Comedy) ; même la technologie du quotidien prête parfois à sourire. C’est un livre qui fait vieux, et qui faisait sûrement déjà vieux lors de sa publication en 1975. À la même époque, Delany écrivait aussi ; la comparaison est cruelle.