John COLLIER, André MAUROIS, (Robert) Peter FLEMING, Hanns Heinz EWERS, L. A. G. STRONG, W. B. SEABROOK, Irvin S. COBB, Howard Phillips LOVECRAFT, Stephen Vincent BENET, J. Paul SUTER
FLEUVE NOIR
214pp - 16,90 €
Terreur dans la nuit est la traduction (tardive) de la fameuse anthologie Creeps by Night, parue originellement en 1931, et concoctée par le maître du roman noir, Dashiell Hammett ; il ne s’agit cependant pas d’une compilation de récits policiers, comme on aurait pu l’attendre de la part de l’auteur du Faucon maltais, mais d’une belle sélection de récits horrifiques très divers, dus à des auteurs aux profils variés. Le sommaire de l’anthologie a varié au fil des rééditions, et Terreur dans la nuit compile dix nouvelles jugées essentielles. Le moins qu’on puisse dire est qu’il y a des beaux noms à l’affiche, essentiellement anglo-saxons (le lecteur de Bifrost notera peut-être plus particulièrement la présence de Lovecraft, pour « La Musique d’Erich Zann »), mais avec aussi un Français (André Maurois, pour un très court récit dont la concision n’a d’égale que l’élégance), et un Allemand, Hanns Heinz Ewers (pour sa célèbre nouvelle « L’Araignée », délicieusement perverse).
La variété des thèmes comme des approches est sans doute le principal atout de Terreur dans la nuit – d’autant plus appréciable qu’elle ne constitue pas à proprement parler une dispersion, aux connotations fâcheuses, mais plutôt une volonté d’exploration du genre dans toute sa diversité. On y trouve des textes très pulp, d’autres probablement bien plus raffinés ; l’horreur peut s’y avérer crue ou subtile, indifféremment, et avec un égal plaisir ; la psychologie complexe de certains récits répond avec bonheur à l’efficacité franche de quelques autres ; les thèmes classiques (fantôme, loup-garou, double, sorcière…), joliment traités, y côtoient des trésors d’inventivité plus difficiles à rattacher à une quelconque tradition du genre, à moins qu’ils ne viennent tout bonnement en susciter une. L’humour, enfin, est à l'occasion de la partie – tranchant sur la noirceur viscérale d’autres contes.
Outre les nouvelles de Maurois, Ewers et Lovecraft déjà citées, relevons, parmi les récits les plus enthousiasmants, la merveille d’efficacité, avec des histoires joliment enchâssées, concoctée par l’étonnant Peter Fleming ; la descente aux enfers de la folie de L.A.G. Strong ; la parabole sur le destin, d’une cruelle ironie, signée Irvin S. Cobb ; la satire improbable de la bonne société qu’autorise « Le Roi des chats », de Stephen Vincent Benét. Peut-être un cran en dessous, mais sans jamais rien de mauvais à proprement parler, l’orchidée anthropophage de John Collier, annonçant La Petite Boutique des horreurs ; la malédiction provençale rapportée par W.B. Seabrook ; enfin, la maison étouffante de mystère et de culpabilité décrite par Paul Suter.
Le bilan est tout à fait appréciable. L’anthologie est d’un autre temps, sans doute, mais conserve une certaine fraîcheur et une inventivité constante qui lui permettent de ne pas constituer aujourd’hui simplement une pièce de musée amusante mais poussiéreuse, et bien plus qu’une curiosité nostalgique. Une traduction très bienvenue.