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Les critiques de Bifrost

The Rook

Daniel O'MALLEY
SUPER 8
500pp - 22,00 €

Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76

Une certaine méfiance à l’égard de la littérature de pur divertissement, une aversion profonde pour le jaune canari et les logos pompiers pourraient détourner le lecteur de Bifrost de The Rook, paru aux éditions Super 8. Mais souvent, les préjugés, aussi compréhensibles soient-ils, nous privent de petits bonheurs trop rares.

La mémoire vierge comme une feuille blanche et le corps couvert d’ecchymoses, une femme d’une trentaine d’années se réveille sous la pluie, dans un parc de Londres, entourée de cadavres en costume et gantés de Latex. Son seul lien avec le passé : deux lettres cachetées et glissées dans ses poches, manifestement écrites de sa main. « Je sais que je vais perdre la mémoire. Je ne sais absolument pas pourquoi mais je vais essayer de m’y préparer et de te faciliter les choses. »

Démarre alors un incroyable jeu de piste lors duquel notre amnésique apprendra qu’elle n’est autre que Myfawny (prononcez Miff-un-ee) Thomas, haut cadre du rang de Tour dans une vaste et séculaire organisation secrète britannique chargée de gérer les manifestations surnaturelles et, la plupart du temps, (très) hostiles : la Checquy, dont l’organigramme est calqué sur le jeu d’échecs. Chaque membre de la Cour correspond à une pièce du jeu et dispose de pouvoirs paranormaux, de pions et d’innombrables serviteurs habillés en violet. Ces ressources ne seront pas de trop pour aider Myfawny à combattre les ennemis héréditaires de la Checquy : d’affreux alchimistes originaires de Belgique réunis depuis le XVe siècle sous l’emblème de la Wetenschappeljik Broederschap van Natuurkundigen, et plus commodément connus sous le nom de Greffeurs. Mais, comme toujours, le pire ennemi est celui de l’intérieur.

Daniel O’Malley, dont on ne connaît pas le carburant, mène son récit tambour battant en tirant sur de nombreuses ficelles sans pour autant les user. Ainsi, le récit est scindé en deux points de vue : celui, narratif, de Myfawny, amnésique, audacieuse et espiègle, et celui, épistolaire, de Thomas, sa personnalité d’avant l’agression, surdouée, analytique et timorée. The Rook abrite un gigantesque bestiaire où quelques inévitables vampires croisent toutes sortes de créatures aux pouvoirs variés qui ne sont pas sans rappeler le cinéma fantastique que l’on trouvait il y a encore peu dans le fond de nos vidéoclubs chéris. Bien sûr, les coups de théâtre interviennent régulièrement, mais sans que le lecteur les voie venir d’outre-monde et, si le style reste simple, on demeure loin de l’indigence télégraphique trop souvent étalée dans le genre.

Lauréat en 2012, catégorie roman, comme Greg Egan en 1995 et en 1999, du prix Aurealis récompensant les récits d’Imaginaire australiens, The Rook reste bien évidemment un livre jetable après emploi, mais possède le grand mérite de faire passer de très bons moments à son lecteur. Il faut aussi savoir s’amuser.

Grégory DRAKE

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