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Les critiques de Bifrost

The Shadowed Sun

N. K. JEMISIN, N. K. JEMISIN
J'AI LU
544pp - 23,00 €

Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119

The Shadowed Sun, suite de La Lune tueuse (chroniquée dans le 111e numéro de Bifrost) clôt de belle manière le diptyque Dreamblood de N. K. Jemisin. Particularité éditoriale : si le premier opus avait été publié sous un titre traduit, l’éditeur a choisi de conserver le titre VO pour ce second tome. Il a aussi réédité simultanément le premier volume en poche sous son titre original, assurant ainsi une cohérence d’ensemble entre les deux ouvrages — tout le monde suit ?

L’intrigue reprend dix ans après les événements du premier volet et suit principalement trois personnages. La cité de Gujaareh souffre sous l’occupation kisuatie. Hanani, apprentie Partageuse et première femme au sein du Hétawa, un ordre qui vénère la Déesse des Rêves Hananja, échoue lors d’un rituel de guérison pendant lequel son acolyte meurt. Il apparaît bientôt qu’une mystérieuse épidémie de cauchemars provoque la mort des habitants, laissant leurs âmes perdues dans un no man’s land onirique. Wanahomen, prince héritier, vit en exil parmi les tribus des Banbarra, ennemies millénaires de Gujaareh. Il s’efforce de former une alliance dans l’espoir de chasser les Kisuatis et de récupérer un trône qu’il considère comme sien. Pendant ce temps, au cœur de Gujaareh, le noble influent Sanfi et sa fille Tiaanet conspirent pour renverser les Kisuatis.

The Shadowed Sun explore les nombreux mécanismes de domination à l’œuvre dans une société coloniale et montre comment la violence engendre, à son tour, de nouvelles formes de violence. Il propose une réflexion sur le pouvoir et les sacrifices nécessaires pour l’obtenir. Il traite également de la mort et du deuil, autant sur le plan individuel que collectif. N.K. Jemisin propose un univers riche, avec des peuples divers aux cultures complexes. La narcomancie — une forme de magie liée aux rêves qui peut aussi bien soigner les corps, apaiser l’âme ou tuer les deux — s’inscrit dans un système cohérent et donne une dimension spirituelle forte, certaines scènes-clés se déroulant dans des espaces oniriques.

Les personnages sont marqués par leurs traumatismes et montrent des évolutions intéressantes. Hanani passe du statut de novice rejetée à celui de guérisseuse reconnue, sans jamais renier son indépendance d’esprit. Wanahomen, d’abord impulsif et animé par un désir de vengeance, gagne peu à peu en maturité pour incarner un souverain légitime et juste. Tiaanet, quant à elle, passe du rôle de victime manipulée par un père abusif à celui de femme maîtresse de sa destinée.

La narration, lente et posée, prend le temps de développer les éléments qui mènent au climax final. Roman ambitieux, The Shadowed Sun repose sur une construction d’univers maîtrisée, des enjeux thématiques forts et une narration soignée. Marqué par une violence omniprésente mais jamais gratuite, il propose une conclusion à la hauteur du propos et de la richesse de l’ensemble.

 

Karine GOBLED

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