Parfois, on peut être victime d’une pulsion. On voit un titre (Ætherna), une couverture (vision macro et psychédélique d’une abeille dorée à l’or fin 24 carats), on survole un résumé (adaptation, États-Unis… Hollywood ?) et hop ! On s’engage sur le chemin obscur de la critique amère, voire assassine. Après tout, chacun sait bien que les critères objectifs permettant d’évaluer les qualités littéraires d’un texte n’ont plus cours au XXIe siècle, époque hautement spirituelle dont le point d’orgue sera la suppression de tous les termes négatifs figurant dans le dictionnaire. Ainsi, nous, pauvres pécheurs nés en des temps obscurs pourrons enfin vénérer librement Jean Yanne qui, il y a bien longtemps, nous offrait cette maxime que nous devrions tous nous faire tatouer sur le poitrail : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. » Le chroniqueur va donc essayer de dépasser ses bas instincts et d’évoluer vers une version de lui-même plus adaptée aux exigences d’aujourd’hui.
L’histoire s’avérant simple et linéaire comme un épisode de Scooby Doo, il va être difficile de faire un résumé d’Ætherna sans tout en dévoiler. Afin de préserver l’éventuel plaisir des plus téméraires, il sera préférable de ne divulguer que des détails techniques : ce roman, qui cherche à sensibiliser son public sur la préoccupante disparition des abeilles, ne risque pas de provoquer de surcharge cérébrale chez le lecteur (avec la vie qu’on mène, ce n’est pas du luxe). Les personnages sont très standards et peu nombreux. La lecture d’Ætherna reste tout au long de l’ouvrage facile et peu fatigante. Enfin, l’emploi de très nombreux verbes déclaratifs dans les dialogues permet de savoir qui parle et dans quel état d’esprit. Ætherna est donc un roman pratique à lire devant la télé, pendant les coupures publicitaires, ou dans la voiture, s’il y a des bouchons ou beaucoup de feux sur le chemin. Précisons aussi qu’Ætherna a été n° 1 des ventes jeunesse sur Kindle avant d’être repris en version Bois mort garanti chez J’ai Lu sans aucune mention du public de destination.
Certains directeurs de collection (comme ce Dumaysberg de malheur) ayant pour habitude de nous faire bouffer des quantités indigestes de prose farcie de figures de style aussi inutiles qu’épuisantes, feraient bien de s’inspirer de ce charmant roman au lieu de nous servir leurs histoires alambiquées qu’on est obligé de lire plusieurs fois pour les comprendre. Faut pas s’étonner qu’ils vendent moins.
Merci de votre attention… Vous êtes tous beaux et gentils.
Grégory Drake Tom Bisounours