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Les critiques de Bifrost

Thin Air

Richard MORGAN
BRAGELONNE
640pp - 17,90 €

Critique parue en août 2020 dans Bifrost n° 99

Dopé par l’adaptation en série Netflix de la trilogie «  Carbone modifié », Richard Morgan revient à la science-fiction bodybuildée avec Thin Air, un polarpostcyberpunk et martien. Le roman emprunte à l’univers de Black Man (prix Arthur C. Clarke 2008) et se déroule trois siècles plus tard. Le vieux rêve technologique d’une terraformation de Mars a fait long feu sur l’autel de la rentabilité économique. Le Martien vit au fond des trous. Valles Marineris est un système de canyons de près de quatre mille kilomètres, couvert par la Lamina, une coupole qui remplace les cieux et enferme un semblant d’atmosphère. Le ciel au-dessus de la vallée est couleur écran plasma en nuances de paprika. C’est la Nouvelle Frontière vendue aux colons par la LINCOLN, entreprise privée derrière chaque pas effectué par l’homme dans l’espace dès qu’il y a du fric à faire. Valles Marineris a des allures de Far West. La vie politique et économique de la colonie est rongée par la corruption au point que la LINCOLN envoie une centaine d’inspecteurs depuis la Terre pour réaliser un audit trop longtemps repoussé et faire le ménage. Mais nul ne sait encore combien, à Valles Marineris, tout repose sur le mensonge. Madison Madekwe enquête sur la disparition du gagnant d’un billet de retour sur Terre, symptomatique de la corruption du système. Voyage financièrement inaccessible à la plupart, la loterie fait partie de la construction du rêve martien et de son dévoiement. Pour sa protection, la police de Valles Marineris lui adjoint les services d’un certain Hakan Veil.

Hakan Veil est terrien. Pour survivre, sa mère avait le choix de vendre sa chair ou vendre la chair de sa chair. Le fœtus fut acquis par Blond Vaisutis, compagnie de sécurité spécialisée dans la protection de vaisseaux spatiaux. Veil est un humain modifié, cybernétiquement et génétiquement, construit pour être mis en hibernation pendant des mois en fond de cale et réveillé en cas de crise, prêt à l’emploi. Il intègre une IA militaire sous forme de filaments-processeurs insérés dans le cerveau et le système nerveux. Licencié suite à une opération qui a mal tourné, il gagne sa vie comme il peut sur Mars. Là, il sort de sa période obligatoire de sommeil annuel et il est au taquet.

Hakan Veil incarne les archétypes du héros morganien et de la SF musclée qui a fait la réputation de l’auteur. Anti-héros cynique et violent, il se distingue toutefois du protagoniste de « Carbone modifié » par le sens moral et la conscience politique qui l’anime, lorsque que Takeshi Kovacs en était totalement dépourvu. Veil ne s’arrête pas aux réponses toutes prêtes que lui servent les autorités martiennes ou la LINCOLN, et va faire dérailler la machine avec extrême préjudice. Certes, Thin Air n’échappe pas aux clichés gros flingue, gros seins, grosse queue, mais est sauvé par un scénario dynamique au profit d’une intrigue complexe qui va de rebondissements en rebondissements et d’un worldbuilding de première classe. Les amateurs du genre seront ravis.

FEYD RAUTHA

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