Si l’on peut saluer le travail des éditions Mnémos lorsqu’il s’agit de faire réapparaître comme par magie des titres tels que La Vallée de l’éternel retour d’Ursula Le Guin, ou, dans une moindre mesure, le Belle de Robin McKinley, on peut clairement s’interroger sur la démarche conduisant l’éditeur à republier le risible cycle de Thongor signé Lin Carter.
Des interrogations qui ne s’éternisent pas longtemps : il faut bien vivre et glaner quelques sous. Alors, pourquoi ne pas surfer sur la vague du retour en grâce de Robert E. Howard (merci Bragelonne) pour exhumer Thongor, avatar dégénéré de Conan ? On pourra toujours invoquer le format intégrale ou bien des traductions révisées (?), mais le fait est que cela ne change rien à la qualité intrinsèque de la chose. Les écrits de Carter sont au mieux médiocres, parfois risibles, avec son héros éructant et toujours au premier plan, comme s’il était censé être le seul intérêt de ces romans, la pierre angulaire, un guerrier de légende à la réputation le précédant aussi bien dans le cadre de ses aventures qu’aux yeux du public. Un bien triste constat, tant le personnage n’affiche pas la moindre profondeur.
Loin d’avoir la complexité des héros tourmentés de Howard, Thongor de Valkarth se vautre dans la caricature, sans même s’avérer suffisamment drôle — volontairement… — pour verser dans la parodie ou le pastiche. C’est simple, on se croirait devant un film de fantasy fauché des années 80, disons, au hasard, italien, dans la lignée des plagiats sans âme ni talent du Conan (tiens, on y revient encore…) de John Milius. Tout sonne faux, creux. Et pourtant, ces romans datent des années 60 et ont contribué à relancer le genre sword & sorcery, nous dit-on. Arrivé au bout du volume 1 de cette intégrale, il est pourtant bien difficile d’y voir une œuvre « culte », malgré ce que l’éditeur veut bien nous indiquer au dos.
La jolie couverture, bien dans le ton, d’Alain Brion, n’y changera rien : la seule véritable réussite de Thongor tient sans doute à nous démontrer qu’il est facile pour une œuvre à ce point ancrée dans une époque de vieillir vite, et surtout mal. Quand les archétypes deviennent stéréotypes dans un décor de carton-pâte, sous l’œil et la plume d’un tâcheron, on est très loin de la puissance d’un Howard ou de l’enthousiasme et de la passion d’un Burroughs, autre auteur auquel Carter est censé rendre « hommage ». Et si un éditeur ne peut guère se passer de quelques titres populaires pour faire vivre son catalogue, il y avait sans doute d’autres recours qu’en passer par là (on songe aux œuvres de Clark Ashton Smith, par exemple).