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Les critiques de Bifrost

Toi l'Immortel

Roger ZELAZNY
FOLIO
288pp - 8,30 €

Critique parue en juillet 2009 dans Bifrost n° 55

« La catastrophe atomique des Trois Jours n'a pas seulement détruit à peu près toute trace des civilisations continentales ; elle a également provoqué l'exode de la plupart des Terriens survivants sur les planètes de la Confédération végane, et considérablement augmenté l'espérance de vie de quelques hommes. Conrad Nomikos est l'un d'entre eux. Nul ne sait son âge, pas même son amie Cassandre avec qui il vit sur une île grecque miraculeusement préservée du cataclysme. Nomikos est aussi le conservateur des ruines de la Terre ; à ce titre, il va servir de guide à Cort Myshtigo, un Végan venu visiter les décombres de la planète sous le prétexte d'une étude historique. » Extrait du quatrième de couverture, un résumé parfait pour comprendre le décor de ce roman, mélange de mythologie grecque, d'hommage à Joseph Conrad et de récit d'aventure post-cataclysmique.

La première chose qui frappe au sujet de ce premier roman de Zelazny, paru la même année que la version en volume du Maître des rêves, c'est qu'il est loin d'être convaincant sur le strict plan narratif : les cent premières pages pédalent un tantinet dans la semoule et la suite souffre d'une surabondance de scènes d'action qui se précipitent vers une fin décevante. Le tout est par conséquent bancal et il est légitime de se demander pourquoi Toi L'immortel a eu le prix Hugo 1966, ex-aequo avec Dune. Sans doute le lectorat américain a-t-il été séduit par l'ampleur des personnages mis en scène et le mélange de mythologie grecque et de S-F (présent aussi dans Dune avec les Atrides/Atréides). À bien y réfléchir, Toi l'immortel est le brouillon traversé de fulgurances, la bande-annonce de tout le pendant mythologique de l'œuvre de Zelazny — ensemble de romans et de nouvelles dont le sommet est sans doute aucun Seigneur de lumière. On retrouve dans ce premier roman un des thèmes phares de Zelazny : la surhumanité, à savoir cette humanité poussée au-delà d'elle-même, vers l'infini et le divin. Outre ce thème fétiche, Toi l'immortel nous parle de colonialisme, d'altérité et de racisme, avec un manque de pincettes tout à fait réjouissant.

« Introduction idéale aux univers de Zelazny, Toi l'immortel garde aujourd'hui encore une profondeur et une originalité certaines. » Voilà ce qu'écrivait Pascal Patoz en 2005 dans la défunte revue Galaxies. On se permettra toutefois de ne pas être d'accord avec la première assertion, car, faible sur le plan narratif, Toi l'immortel n'est pas un des premiers Zelazny à lire (on lui préférera Les Neuf princes d'Ambre, L'Enfant de nulle part ou Le Maître des ombres pour découvrir le corpus zelaznien, et on réservera plutôt les aventures de Conrad Nomikos à des lecteurs motivés à même d'extraire des diamants de la boue des origines).

On achèvera cette recension sur un regret : la traduction proposée par Folio « SF » est toujours celle de Mimi Perrin datant de 1973, un « travail de jeunesse » que ladite Mimi Perrin, aujourd'hui traductrice de John Le Carré, avait souhaité « réviser » gracieusement, souhait qui n'a pas été exaucé en 2004 à l'occasion de la réédition du titre (pour info, une édition définitive de Toi l'immortel est dans les tuyaux chez Denoël, éditeur historique du titre).

Thomas DAY

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