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Les critiques de Bifrost

Critique parue en octobre 1997 dans Bifrost n° 6

 

Chan Coray le leader des Défenseurs, revient pour le troisième volet de ce qui est bien l'un des événements éditoriaux les plus marquants de ces derniers mois : le cycle FAUST. Un événement, dit-on ? Sans doute et à double titre. D'abord de par sa forme, bien sûr, parce qu'une série (annoncée par l'auteur en plusieurs dizaines de tomes !) sous une unique signature, par un écrivain français et en grand format qui plus est, il y a là de quoi en étonner plus d'un. De par son fond, ensuite, c'est à dire les qualités éventuelles de la dite série, qui, après lecture des trois premiers opus, ne peuvent qu'enthousiasmer un lectorat francophone qui commence tout juste à se rendre compte qu'avec des gens comme Ayerdhal, Bordage ou Genefort (j'en oublie mais c'est exprès…), et bien une S-FF tant pertinente que divertissante, ça n'a rien d'un vœu pieux ! La preuve.

Donc, et chacun l'aura compris, FAUST, c'est très bien. Sauf que, à force de lire des trucs très biens, eh !, on devient exigeant (le lecteur est un animal bruyant : il crie quand c'est pas bien parce qu'il a le sentiment de s'être fait voler, il crie aussi quand c'est bien histoire d'être sûr de ne pas se faire voler la prochaine fois…). Aussi, force est de constater que Tonnerre lointain nous laisse, après lecture, comme un petit arrière-goût de déception.

L'auteur le dit lui-même, dans ce qu'il a plaisamment nommé son « pathos final », le présent volume marque la fin de ce que l'on pourrait appeler une première partie dans l'œuvre énorme que représente FAUST pris dans son intégralité future. Et, pour conclure cette fameuse première partie, Lehman a délibérément choisi de recentrer l'action autour de son héros, Chan Coray. Un choix apparemment légitime, puisque Coray s'impose comme pilier de l'actuelle trilogie, une trilogie de mise en place, est-on tenté d'écrire. Si le choix est légitime, il n'en fait pas moins passer très au second plan le cadre général de la série, à savoir la guerre que se livrent l'Instance (les entreprises-états, les méchants, quoi) et les gouvernements démocrates. Envolées donc les lourdes ambiances d'espionite aiguë de Les défenseurs, envolées aussi les multiples facettes d'une intrigue à plusieurs vitesses (globalement, bien sûr, car Lehman continue de construire ses romans en mêlant les points de vue, les lignes narratives, mais il le fait ici de manière nettement moins systématique et pertinente). Un recentrage, donc, autour d'un Chan Coray embarqué dans une quête personnelle qui a tout d'une initiation… Ainsi Tonnerre lointain perd-il en intensité dramatique, en efficacité. En revanche et naturellement, le personnage de Coray se développe de bien belle manière. À tel point qu'on en vient a s'interroger sur les motivations de l'auteur quant au choix évoqué plus haut, lorsque ce dernier avoue, toujours dans son « pathos final », réserver un rôle bien moindre à son jeune héros dans les volumes à venir… Mais pourquoi, alors, l'avoir présentement développé de la sorte ?

Bref, Tonnerre lointain n'est pas le meilleur des trois premiers tomes de FAUST (la palme allant incontestablement au tome deux) ; l'auteur se contentant d'exploiter son univers, d'affiner ses personnages. Ce qui n'en fait pas un mauvais roman, loin de là : l'écriture de Lehman garde toute son acuité, toute sa limpidité, et il continue de nous assener de ces retournements surprises dont-il a le secret, On ira même au-delà en affirmant qu'avec ce tome, Lehman démontre comment, à partir d'une simple histoire de quête (encore… !) sans beaucoup d'originalité, en fait d'une intrigue bien mince, il parvient a édifier un roman malgré tout captivant, ce qui est bien là la preuve d'un talent indéniable (mais ça, on le savait déjà).

En attendant donc impatiemment la suite, un quatrième volume intitulé L'âge de chrome (la date de publication n'est pas, au moment ou nous imprimons, annoncée, mais l'on peut présager du début d'année 98), une longue nouvelle space op' dans Bifrost 07, mais surtout et plus près de nous L'ange des profondeurs, premier volet d'une série de six tomes à paraître, toujours au Fleuve Noir, dans la collection « Mystère S-F ».

Olivier GIRARD

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