Karen TRAVISS
BRAGELONNE
350pp - 20,00 €
Critique parue en juillet 2007 dans Bifrost n° 47
Vous qui aimez la S-F militariste, végétarienne et féministe, les soldats qui ont un pénis de la taille d'une courgette de comices agricoles et des couilles façons melons de Cavaillon, vous voilà servis ! Car est venu le temps de retourner sur Cavanagh, retrouver Ara le Wess'har infecté par la c'naatat et Shan Frankland infectée elle aussi par ce parasite « intelligent » qui permet d'accéder à une forme d'immortalité. Alors que les militaires humains basés non loin se demandent s'ils doivent capturer le symbiote histoire de la transformer en arme ou en médicament, ou plutôt le détruire à coups d'ogives nucléaires afin d'être sûr du résultat (décidément, Karen Traviss a été marqué au fer rouge par la tétralogie Alien), Ripley Shan et Aras se mettent en ménage, s'adonnent aux joies de la nourriture strictement végétarienne et jouent au plombier : « Oui, vas-y, mets ton gros robinet dans mon petit tuyau d'arrosage » — le tout donnant un remake moderne des Amants étrangers de P.J. Farmer qui fait parfois mouche, reconnaissons-le. Et j'arrête là mon petit résumé car celui-ci couvre déjà, l'air de rien, les 228 premières pages de l'ouvrage.
Transgression est un roman déséquilibré, souffrant des pathologies bien connues du « remplissage inutile » et du « dialogue non-signifiant ». Outre ces boursouflures qui ne surprendront personne tant elles sont à la mode en S-F contemporaine, nous sommes ici confrontés à un ouvrage terriblement mal écrit (plus pauvre, d'un point de vue stylistique, je ne vois guère qu'Alexis Aubenque et les pages people de Closer). Sans parler de la traduction. J'ai du mal à croire que quelqu'un doté d'un minimum de culture générale ait relu ce massacre (par exemple la guerre des Falklands s'appelle la guerre des Malouines de par chez nous). Je n'ai pas compté les phrases qui ne veulent rien dire, celles qui veulent dire quelque chose mais certainement pas ce à quoi pesait l'auteur, les faux-amis traduits en toute amitié, la foule de termes anglais faciles à traduire, etc. Une purge.
Et pourtant, malgré ce style journalistique plat comme le ventre d'un squelette d'anorexique, cette traduction des plus pénibles, j'ai fini le livre sans grande difficulté, car Karen Traviss a un petit quelque chose qui accroche : une volonté de ne pas éluder « les sujets qui fâchent », une façon bien à elle de mettre le doigt là où ça fait mal. Sa fascination pour les hommes-paillassons et son mépris pour tout ce qui est doté d'un pénis sont rafraîchissants — un peu grotesques, mais ça fait du bien de pouffer en lisant les exploits d'une buveuse de thé qui ferait passer Terminator pour une tarlouze et Indiana Jones pour Dora l'exploratrice. Et puis, à la fin de ce second volume, il se passe un truc !in!cro!ya!ble! On est là, on lit, on relit le passage et on se dit que c'est pas possible, que c'est presque aussi bon que « Luke, je suis ton père » (j'avais dix ans quand Lord Casque Noir a prononcé ces mots inoubliables, alors autant dire que ça marque son homme).
Karen « Chef ! Oui, Chef ! » Traviss écrit comme une brouette sans roues, mais a des couilles de Béret Vert (qui servent sans doute de roues à la brouette en question) ; c'est sûrement pas le genre de compliments auquel elle aspire, mais c'est de loin celui qui me semble le plus approprié pour quelqu'un dont la devise personnelle semble être : « Dites-le avec des grenades dégoupillées. »
Vivement le tome 3 (parce que quand c'est aussi mauvais, ça confine au sublime).