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Les critiques de Bifrost

Transition

Transition

Iain M. BANKS
ORBIT
384pp - 20,90 €

Bifrost n° 68

Critique parue en octobre 2012 dans Bifrost n° 68

Depuis ses débuts littéraires voilà un bon quart de siècle, Iain M. Banks a toujours alterné romans de science-fiction et romans de littérature générale, ces derniers étant immédiatement identifiables par la disparition de l’initiale du deuxième prénom de l’auteur dans sa signature. Transition apparaît comme une tentative de réunir ces deux registres, d’interroger le monde contemporain, ses travers et ses dérives, par le biais de la SF. Sans qu’il y ait forcément de rapport de cause à effet, c’est avant tout l’un de ses moins bons bouquins.

Banks renoue ici avec l’un des thèmes les plus rebattus de la science-fiction : celui des univers parallèles. Il met en scène une organisation millénaire, le Concern, dont les agents ont pour mission d’intervenir sur divers mondes pour y faire dévier le cours de l’histoire et éviter dans la mesure du possible la survenue de catastrophes planétaires. Une entreprise parfaitement rodée, jusqu’à ce que des tensions apparaissent à la tête du Concern, tensions incarnées par deux femmes que tout oppose : Mme d’Ortolan et Mme Mulverhill.

Plusieurs narrateurs se succèdent au fil du roman, la plupart désignés sous un nom de code : le transitionnaire, l’un de ces agents capables de passer d’un monde à l’autre à l’aide d’une drogue baptisée Septus ; le philosophe, chargé des basses œuvres du Concern ; un patient anonyme dans un hôpital indéterminé ; et Adrian Cubbish, jeune trader aux dents longues et au cynisme affiché. Iain Banks revient longuement sur le passé de chacun, détaille leur parcours. Ce qui l’amène, dans certains cas, à consacrer des dizaines de pages à histoire d’un personnage qui, au bout du compte, ne tient qu’un rôle tout à fait secondaire dans l’intrigue principale du roman.

Banks, en manipulateur roublard qu’il sait être à l’occasion, s’amuse également à laisser planer le doute sur l’identité réelle de tel ou tel personnage, qui ne sera révélée que dans les toutes dernières pages du roman. Le procédé fonctionnait à merveille dans L’Usage des Armes. Sauf que cette fois, les révélations en question s’avèrent n’être que de navrantes pirouettes, indignes de son talent.

Du point de vue SF, Transition ne brille pas par son originalité. Qu’il s’agisse des méthodes du Concern, de sa politique d’ingérence ou des luttes internes qui s’y déroulent, on ne s’éloigne jamais beaucoup des stéréotypes du genre. Quant aux quelques mondes visités, ils ne sont pour la plupart qu’à peine esquissés.

Pour le reste, Iain Banks évoque effectivement quelques sujets d’actualité, la crise des subprimes et le cynisme du monde de la finance, le terrorisme et le sécuritarisme qu’on lui oppose. Mais il ne fait jamais qu’effleurer ces sujets, sans parvenir à offrir un regard neuf sur ces questions. On termine la lecture de Transition peiné de n’y retrouver à peu près aucune des qualités qui font de Iain Banks l’un des meilleurs romanciers de ces vingt dernières années, et agacé d’avoir gâché sa journée à le lire.

Philippe BOULIER

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