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Les critiques de Bifrost

Transition

Transition

Iain M. BANKS
LIVRE DE POCHE
600pp - 8,10 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Qu’est-ce que le Concern, cette organisation que l’on devine extrêmement puissante et qui envoie ses agents d’un univers à l’autre ? Et surtout, qui sont ces personnages qui prennent la parole, chacun leur tour, au fil des chapitres ? Pour la plupart, ils sont seulement désignés par une catégorie : « patient », « transitionnaire », « philosophe ». Et si d’autres ont droit à un nom, comme Madame d’Ortolan, leur rôle n’est pas plus évident au premier abord. Transition est un roman qui se mérite. Même quand on est habitué aux récits polyphoniques, il faut se montrer aussi souple que patient pour accepter le début de ce récit où on est plongé dans un noir total.

Et pas n’importe quel noir : un noir sombre et violent. On est bien loin de l’univers de la Culture, tant par le ton que par le style. Cela rappelle plus les polars noirs, avec tortures et meurtres sans pitié. Dans ce récit, plusieurs individus sont capables de voyager d’un univers à l’autre. Pas de ces univers ludiques où on se demande ce qui se serait passé si Hitler ou Hannibal avaient gagné leurs guerres. Non, des univers proches du nôtre, avec parfois quelques petites différences, parfois d’autres plus importantes. Suffisantes, en tout cas, pour que les employés du Concern trouvent un intérêt à y effectuer des missions. Pour cela, ils se projettent dans le corps de personnes qui leur laissent malgré elles les commandes, sans rien savoir de cette intrusion. Mais dans quel but ultime ? On l’ignore. On comprend simplement que deux femmes s’opposent sur la direction que doit prendre cette organisation. Et qu’elles vont déplacer leurs pions (humains), les mettre en danger, les sacrifier s’il le faut.

Pour exigeante que soit la construction de Transition, elle récompense son lecteur car toutes les réponses finissent par venir. La fin n’est pas frustrante, comme dans certains récits inventifs mais mal bâtis. Tout ici est pensé et mène à un but. Cependant, il faut s’armer de patience pour y parvenir. Car les moments d’incompréhension sont nombreux, de même que les scènes de violence et de torture. Comme dans L’Échiquier du mal de Dan Simmons, les pions sont sacrifiés sans remords et leurs souffrances sont parfois appréciées. Certains personnages sont ouvertement racistes et méprisent le reste de l’humanité. Avec Transition, Iain M. Banks dresse un tableau sans beaucoup d’espoir dans l’humanité mais impressionnant de maîtrise, entre le roman de SF et le thriller.

Raphaël GAUDIN

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