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Les critiques de Bifrost

Transparences

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
551pp - 23,00 €

Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118

C’est d’une magistrale manière que s’ouvre Transparences, première incursion dans le genre du polar signée Ayerdhal. Se déroulant à l’automne 1997, le chapitre inaugural du roman dépeint avec une enthousiasmante maestria la trajectoire homicide dessinée par une certaine Naïs à travers la foule d’une artère de Chicago. De la protagoniste du roman, qui fait alors une saisissante entrée en scène, on ne saura dans l’immédiat pas davantage. Tout au plus faudra-t-il se contenter d’apprendre qu’elle maîtrise ses dons de combattante d’élite à un degré si extraordinaire qu’elle semble plus tenir d’une super-héroïne que d’une prosaïque psychopathe. Car, et c’est là un autre trait remarquable de l’ouverture de Transparences, Ayerdhal la nimbe d’une troublante ambiguïté, laissant dans l’immédiat lecteurs et lectrices libres de déterminer si les quatre cadavres abandonnés par Naïs sont le fruit d’un délire paranoïaque ou d’une guerre aussi réelle qu’occulte.

Sans doute moins spectaculaire, l’apparition dans le chapitre suivant du second protagoniste du roman en accroît encore la séduction initiale. Au début de l’année 98, on passe alors à Lyon, où travaille au siège d’Interpol le Québecois Stephen Bellanger, en tant que psychologue-criminologue. Se profilant comme une attachante déclinaison polareuse de l’antihéros ayerdhalien, ce brillant et bohème Canadien est invité à se pencher sur les meurtres commis par Naïs, se décomptant vraisemblablement par centaines et s’éparpillant à travers le monde ! Ainsi placée sous le signe de la prodigiosité criminelle, Transparences achève alors de dessiner un très accrocheur horizon de lecture… qui ne sera hélas pas atteint…

Une fois passée sa saisissante mise en route, le récit s’essouffle peu à peu avant de fatalement s’embourber. La faute en incombe autant à la (sur)multiplication des considérations quant à la psyché de Stephen qu’à la (sur)complication des enjeux géopolitiques sous-tendant les agissements de Naïs. Bientôt dépourvus de toute équivoque, ses innombrables crimes trouvent place dans un puzzle complotiste aux pièces inutilement nombreuses et bien convenues — le roman se réclame dans ses dernières pages de l’imaginaire conspirationniste du JFK d’Oliver Stone… Difficile dès lors de s’intéresser à Transparences qui (se clôturant le 11/09/2001) propose in fine et à sa fictive manière une réflexion sur l’état du monde à l’orée du XXIe siècle… Demeure le plus gros succès populaire de l’auteur : plus de 100 000 exemplaires écoulés pour la seule édition poche.

 

 

Pierre CHARREL

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