0.5. - « Les Fleurs de la prison d’Aulite » (« The Flowers of Aulit Prison » , 1996, novella traduite de l’américain par Michelle Charrier - dernière parution VF : Bifrost n° 17, 2000)
1. - Réalité partagée (Probability Moon, 2000, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly - dernière édition VF : Pocket « SF », 2004)
2. - Artefacts (Probability Sun , 2001, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly - dernière édition VF : Pocket « SF », 2004)
3. - Les Faucheurs (Probability Space , 2002, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly et Florence Dolisi - dernière édition VF : Pocket « SF », 2005)
Parue de 2000 à 2002 en version originale, cette trilogie dite de « la Probabilité » s’inspire de l’excellente nouvelle « Les Fleurs de la prison d’Aulite » écrite quelques années auparavant. Space opera, hard science, anthropologie, philosophie, physique quantique, biologie animale ou végétale… tout est rassemblé dans ce triptyque qui se mérite.
xxiie siècle après J.-C. Les Terriens découvrent au sein du système solaire un tunnel spatial abandonné par une race probablement disparue depuis longtemps. Ce fruit d’une technologie mystérieuse fonctionne, et n’est que le premier d’une longue série tentaculaire qui leur ouvre la porte des étoiles…
Une soixantaine d’années plus tard : les humains ont exploré une bonne partie de l’univers désormais connu, essaimant des colonies au gré des quelques planètes visités, échangeant avec des civilisations extraterrestres… mais révélant aussi au passage leur pire ennemi, les Faucheurs, une espèce agressive et xénophobe. Suite à cette rencontre, la guerre a été déclarée, et humains et Faucheurs s’affrontent régulièrement depuis des années dans des combats spatiaux meurtriers. Jusqu’au jour où les Faucheurs prennent une avance technique inexplicable. Les gouvernements humains (bien sûr militaires) décident alors de lancer une expédition vers la planète Monde, dont l’une des lunes semble être issue de la même technologie énigmatique que les tunnels. Sous couvert d’une recherche anthropologique, militaires et scientifiques sont envoyés dans ce système lointain. Tandis que physiciens, exobiologistes, géologues et autres spécialistes se lient avec les populations locales, les soldats en orbite étudient l’objet – qu’ils finiront par détruire dans leur désir de se l’approprier à tout prix.
Quand les membres de l’équipe en poste sur la planète découvrent une deuxième sphère de petite taille, ils supposent que les êtres vivants de Monde ont évolué en fonction des ondes émises par cet artéfact qui crée des champs de probabilités quantiques. Car les autochtones vivent dans une utopie pacifique. Nulle violence n’est autorisée, tout conflit entraînant chez ceux qui le vivent une migraine effroyable. Les Mondiens existent selon le principe de Réalité partagée ; tout être qui la bafoue en valorisant son individualité au détriment du groupe est déclaré irréel, et condamné à une vie douloureuse de paria en attendant la mort.
Peu à peu, militaires et scientifiques devinent aussi le potentiel destructeur de l’artéfact restant. Malheureusement, les Faucheurs possèdent eux aussi une telle arme. Doutes et craintes grandissent quand on comprend que deux artéfacts, réglés sur la configuration la plus extrême au sein d’un même système, peuvent provoquer un effondrement de l’espace-temps et détruire l’univers. Humains et Faucheurs ont maintenant le pouvoir de remporter la guerre, mais surtout celui de créer le Néant. Qui gagnera au bluff ?
Peut-être le lecteur, s’il réussit à se perdre dans cette trilogie. Car si les tomes sont inégaux dans leur traitement, chacun peut cependant y trouver son plaisir. Qu’elle soit davantage portée sur les aspects scientifiques et philosophiques (Réalité partagée), que sur les problèmes éthiques, sociologiques et linguistiques causés par les contacts entre civilisations étrangères à la technologie avancée ( Artefacts), ou encore sur les actions et conflits politiques typiques du space opera (Les Faucheurs ), chaque partie de ce triptyque est cohérente en elle-même ou dans le tableau dessiné. Peu importe que certains passages semblent impénétrables, les détails sont savoureux pour qui sait y goûter. Que l’on comprenne cette hard science éclairée et très documentée ou pas, il est toujours possible de se laisser bercer par l’exotisme d’un langage technique précis et par les images qu’il invoque. Même si, avec un peu de cynisme, on pourrait regretter un méchant presque caricatural, qui demeure l’étranger aux intentions hostiles, et une humanité somme toute assez primaire dans sa réponse. Même si les personnages, attachants par bien des aspects, restent assez simplistes. Même si l’on y retrouve les motifs vus et revus d’une SF plus traditionnelle.
Un récit intéressant, donc, proposant beaucoup de bonnes idées, développant beaucoup de longueurs aussi, et qui, au final, même s’il n’est pas mémorable, fait passer un bon moment.