Hans Joachim SCHADLICH
GALLIMARD
192pp - 16,25 €
Critique parue en janvier 2005 dans Bifrost n° 37
Polar allemand plutôt détonnant dans une production normalisée à l’extrême outre-Rhin, Trivial roman ne relève ni du fantastique, ni de la S-F. Par ses choix po-litiques assumés, sa narration volontairement obscure, décalée et profondément déshumanisée, ce curieux roman louche beaucoup plus du côté de Brecht que de Chandler, pour un résultat somme toute inégal, mais très loin d’être inintéressant.
À l’instar d’un certain Claude Ecken et de son Enfer clos (le Bélial - 2003), Hans Joachim Schädlich choisit de nous décrire une humanité lâche, mesquine, violente et parfaitement repoussante. Moite histoire de retranchement, Trivial roman narre la catastrophe intime qui tombe sur le dos de ceux qui perdent le pouvoir du jour au lendemain. Celle des quelques fidèles d’une organisation jamais nommée, chapeautée par Le patron et surveillée par Le dogue. Aucun des protagonistes n’a d’ailleurs de nom, tous portant comme seule identité une appellation animale. Raconté par Laplume, pathétique personnage principal, l’enfermement du Dogue et de ses lieutenants fait partie de ces catastrophes qui rappellent l’ambiance filmique de Reservoir dogs. Plusieurs personnes paniquées à l’idée de perdre privilèges et acquis. Ainsi, de figure tortionnaire autoritaire, le Dogue sombre dans l’indignité en pissant sous lui, pendant que les autres le torturent pour récupérer l’argent du coffre. Dans ce bunker isolé, la haine pourrit tout et tous. Entrecoupée de flash-backs racontant l’enrôlement de Laplume, d’abord journaliste intègre puis journaliste aux ordres, l’histoire dérive lentement vers le tragicomique, avec la fuite du Patron quand les choses tournent mal. Et comme Schädlich prend grand soin d’éviter tout éclaircissement sur la nature exacte de l’organisation en question, le lecteur prend plaisir à cette mise en lumière de la merde humaine. Secte, gouvernement militaire, dictature quelconque, démocratie libérale, mafia, Trivial roman se garde bien d’expliquer quoi que ce soit, préférant le symbole à la solution. Caricature de la hiérarchie, comédie du pouvoir, ce roman percutant est assurément à lire, car très sain dans son fond et répugnant dans sa forme. Reste que si le début promet, la suite ne tient pas vraiment la route. Belle tentative plutôt moyenne au final, Trivial Roman a le défaut de ne pas pousser sa logique jusqu’au bout. Le lecteur reste donc sur sa faim, sans toutefois résister à l’envie de surveiller les prochains ouvrages de l’auteur.