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Les critiques de Bifrost

Trois hourras pour Lady Évangeline

Trois hourras pour Lady Évangeline

Jean-Claude DUNYACH
L'ATALANTE
240pp - 17,50 €

Bifrost n° 96

Critique parue en octobre 2019 dans Bifrost n° 96

Trois Hourras pour Lady Évangeline, récit d’apprentis-sage aux atours de space opera organique et sensoriel dopé aux hormones, est né en 2010 dans les pages moites du Bifrost n°58. Lady Evangeline a continué de grandir sous la plume de Jean-Claude Dunyach, jusqu’à se déployer sous sa forme actuelle, un roman de 238 pages siglé L’Atalante.

L’humanité a envahi l’espace profond à coup de sauts dans l’espace-tau. Mais à faire des bonds dans l’inconnu, on risque d’attirer l’attention. Le vaisseau Le Temps incertain en fait l’expérience alors qu’il rejoint la colonie d’Esméralda. Sans avoir le temps (justement) de comprendre ce qui lui arrive, il est mis en pièces, digéré avec son équipage. Peu après, la colonie disparait. L’ennemi est invisible mais bien là. Un équipage militaire placé sous les ordres d’un diplomate est dépêché sur place.

Fille du diplomate en question et envoyée loin par papa sur une planète-école, Évangeline est une adolescente rebelle, ingérable et bourrée d’hormones. C’est ce qui va la sauver lorsqu’une espèce insectoïde décide de faire de la planète sa nouvelle ruche. La rencontre est violente, et seule Évangeline en réchappe. Si leur reine est morte dans l’invasion, les insectes perçoivent dans l’adolescente et ses phéromones l’opportunité de leur survie. Appelée à régner, Évangeline va devoir se transformer, physiquement et mentalement, pour apprendre à communiquer de manière organique.

Trois hourras pour Lady Évangeline met en scène une altérité dans laquelle l’autre est aussi bien l’extraterrestre que soi-même. Pour le premier contact, l’auteur imagine une gradation de l’étrangeté à travers deux formes d’intelligence. La première est une intelligence de ruche, un classique en SF, dotée d’une conscience collective. Elle est tangible et la communication est possible au prix de l’adaptation. La question de la survie n’est pas celle de l’individu, mais du groupe. La seconde est immatérielle, ou presque, et se présente sous la forme d’un nuage de particules intelligentes peinant à développer une conscience de soi et sans conscience d’autrui. L’ennemi n’est pas seulement invisible, il est aussi aveugle. La question de la survie se pose pour elle à l’encontre de sa propre nature. Pour Évangeline, l’autre est aussi elle-même. Elle traverse l’adolescence, prend conscience d’elle et de son corps en mutation, et cherche à signifier au monde sa présence. Sa survie est une question personnelle. La mise en parallèle des expériences constitue le cœur du récit. Ce sont trois hourras qu’Évangeline devra emporter de haute lutte.

On pourra trouver des faiblesses à Trois Hourras pour Évangeline. Le propos n’est pas à l’extrême rigueur scientifique, et l’amateur de hard SF aura parfois les yeux qui piquent. Si les talents d’écriture de Jean-Claude Dunyach opèrent, la brièveté du roman et sa composition, en chapitres courts et cliffhangers de ponctuation, imposent des raccourcis scénaristiques et son dénouement relève de la pensée magique. On fermera donc les yeux pour absorber les sensations et humer les phéromones.

FEYD RAUTHA

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