M.R. CAREY
L'ATALANTE
560pp - 28,50 €
Critique parue en juillet 2023 dans Bifrost n° 111
Pittsburgh, de nos jours. Liz Kendall, une mère divorcée, vit avec ses deux enfants, Zac, un adolescent, et Molly, une fillette de six ans. Lorsque son ex-époux tente de l’étrangler, plutôt que de lui opposer une résistance passive comme à son habitude, Liz s’empare d’une bouteille de vinaigre à sa portée, la casse et le frappe en plein visage. Intervention de la police, déposition, interrogatoire, ambulance, hôpital et dépôt de plainte. Liz est la première surprise de sa réaction : elle se serait crue possédée par quelque chose. Et cela se reproduit lors d’un incident sur un parking. Que lui arrive-t-il ?
Et qu’arrive-t-il à Fran Watts ? Cette adolescente noire a vécu dix ans plus tôt une expérience éprouvante : enlevée par un psychopathe, elle est restée séquestrée deux jours durant avant l’intervention de la police, mais elle n’a heureusement subi aucune violence physique. Sauf que les séquelles psychologiques sont là : de temps en temps, autour d’elle, le monde s’altère et elle suit une thérapie en partie médicamenteuse. Et il y a Guigne, une renarde de livre pour enfants qui est devenue son amie imaginaire.
Et le jour où Liz va consulter le psychiatre de Fran, celle-ci se trouve dans la salle d’attente et reconnaît la mère de Zac, son camarade de classe. Et elle a la nette impression que Liz est double. Fran et Zac se rapprochent, et en revoyant Liz, Fran est de plus en persuadée qu’il y a deux personnes en elle…
Et je m’arrête là.
Pourquoi ? Parce qu’ensuite vient la révélation de la nature de l’entité qui hante Liz, et c’est là une idée si originale que je m’en voudrais de divulgâcher. Mais aussi parce que les trois paragraphes ci-dessus couvrent les 150 premières pages d’un livre qui en fait 560. Si le premier chapitre est percutant et accrocheur à souhait, la tension retombe tout de suite ou presque et on a droit à d’interminables scènes d’intimité familiale ou adolescente qui font peut-être avancer l’histoire, mais à une allure d’escargot. La quatrième de couverture invoque Stephen King, mais celui-ci sait que pour écrire un gros roman d’horreur, il faut une quantité substantielle de personnages bien dessinés, or ici, le compte n’y est pas.
Et, en vérité, pour avoir parcouru le reste du roman en diagonale, je dois dire qu’à mon avis, si l’on excepte la nature de la hantise, le livre n’a rien de novateur, et peut-être ai-je lu trop de romans d’horreur lors de l’âge d’or du genre, mais je n’ai guère été surpris par l’intrigue, et j’ai même retrouvé de bons gros clichés que je croyais voués aux oubliettes.
Par honnêteté, je dois préciser qu’à en juger par les diverses critiques lues çà et là sur la toile, mon avis est minoritaire – même s’il s’agit en l’occurrence d’une forte minorité – et que Une autre moi-même a notamment été encensé par Paul Di Filippo dans le Washington Post, ce qui n’est pas rien.
Bilan mitigé, donc. À vous de vous faire un avis, si le cœur vous en dit.