Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le monde est frappé par une terrible épidémie. Le virus Wang tue d’abord des millions, puis des milliards d’êtres humains.
« Et la mer s’en est allée pour de bon. » (page 9)
En 1951, Jean habite seul dans le village désert de Saint-Benoît, en Normandie. Il vit dans une belle maison, hanté par ses souvenirs, notamment ceux de sa femme Éléonore, qui lui manque, tant sur le plan intellectuel que physique. Une frustration sexuelle que Jean transforme en poèmes, plus ou moins maladroits. Un jour d’hiver, des hommes armés débarquent à Saint-Benoît : des étrangers. Ils viennent de l’est, ils ont traversé les ruines paisibles de l’Europe et se dirigent vers Nantes, où il leur reste à accomplir une obscure mission d’espionnage. Bien malgré lui, Jean se retrouve embarqué dans une aventure qui le dépasse.
Une bien étrange compagnie débute comme un roman post-apocalyptique « classique », à l’ancienne, disons, et évoque immanquablement La Terre demeure de George R. Stewart. Avec l’arrivée du Moldave et de ses soldats d’infortune, le récit glisse lentement vers l’espionnage (plus John Le Carré qu’OSS 117), avant le salto final où, tête la première, le tout plonge dans l’océan des possibles, celui sans limite de l’uchronie (avec une guest star de poids !). Ce qui séduit ici, en tout premier lieu, c’est l’écriture poétique de l’auteur. On pense à Gracq, Hugo, Giono, une certaine « qualité française ». Un beau style, agréable, au vocabulaire choisi, qui sert une histoire simple mais peuplée de personnages forts, aux questionnements profonds, parfois philosophiques. Vient ensuite une seconde couche, historique, qui fleurit en une théorie de notes aussi roborative que séduisante, dimension uchronique qui prend peu à peu de l’ampleur.
On aimerait conseiller sans réserve Une bien étrange compagnie… malheureusement, il faut bien reconnaître que ce roman n’a pas été édité (alors que ses plus gros défauts auraient pu être facilement gommés : la scène à l’OMS, inutile, le poème de trop). On se permettra aussi de grogner contre un prix de vente, 25 euros, totalement abusif.
Au final, Une bien étrange compagnie est un premier roman très séduisant qui manque de peu l’excellence. Il parlera bien davantage aux amoureux d’Histoire qu’aux fans de Mad Max 2 (malgré deux ou trois belles scènes d’action et/ou de tension, crues et réalistes). Il est fort à parier que chez un éditeur spécialisé, l’arrivée de Thierry Cladart en terres d’Imaginaire serait passée nettement moins inaperçue.