Marie BRENNAN
L'ATALANTE
352pp - 22,50 €
Critique parue en juillet 2016 dans Bifrost n° 83
Marie Brennan, déjà auteure d’un anecdotique diptyque de fantasy paru chez Panini « Éclipse », Sorcière / Guerrière, nous revient avec les « Mémoires, par Lady Trent » dont voici le premier tome. Soit un monde de fantasy qui, par le plus grand des hasards, se trouve être un décalque de notre XIXe siècle, avec ses équivalents d’Angleterre victorienne, de Carpathes et de Russie tsariste. Depuis toute petite, Isabelle se passionne pour les dragons… mais dans la société mondaine où elle évolue, c’est là une inclination fort dommageable lorsqu’il s’agit de se dénicher un époux convenable. Par bonheur, ce jeune homme, Jacob Camherst, qu’elle rencontre au zoo face à la cage aux dragons, n’a que faire des convenances et s’avère lui aussi un afficionado de ces créatures, et, une fois marié à Isabelle, permet à cette dernière de laisser libre cours à sa marotte. Lorsque Lord Hilford monte une expédition vers la lointaine Vystranie afin d’y étudier les dragons in situ, Jacob en fait partie et, sous la pression d’Isabelle, fait tout pour que son épouse y participe. Bientôt, voilà la jeune femme sur la piste de ces créatures mythiques…
On pourra toujours s’interroger sur la nécessité évolutive d’un dragon à six membres (quatre pattes, deux ailes : admettons, ce n’est pas un vrai reptile) ou sur les circonvolutions historiques ayant mené le monde de Lady Trent à posséder des sociétés ressemblant comme deux gouttes d’eau à celles du nôtre… mais passons. Une Histoire naturelle des dragons est moins un roman de fantasy qu’un roman d’aventure scientifique avec des dragons. Des créatures fort méconnues au demeurant, et que l’appétit des hommes pourrait mener à leur perte – le lecteur souhaitant se documenter sur les dragons dans notre monde se reportera à l’essai de Michel Meurger, également intitulé Histoire naturelle des dragons (Terres de Brume, 2001). Bref, Marie Brennan restitue fort joliment cette simili-société victorienne, où les femmes restent tristement inféodées à leur père puis leur mari, et nous montre le parcours hasardeux d’Isabelle pour gagner ses galons de scientifique, de sa prime jeunesse jusqu’à ses vingt ans. Une héroïne positive, déterminée à ne pas laisser le carcan sociétal peser sur ses aspirations – et qui y parvient. En dépit des qualités du récit, les péripéties ne passionnent toutefois guère, le monde peine à intriguer et on finit par s’y ennuyer… poliment.
Une Histoire naturelle des dragons demeure un roman sympathique, au fond intéressant, doté de jolies quoique trop éparses illustrations – rarement des planches anatomiques, comme le laisse croire la couverture. Cela se lit une tasse de thé en main, le petit doigt relevé – mais en plein cœur de montagnes isolées. Les amateurs apprécieront sûrement ; allergiques à la fantasy victorienne, réfléchissez-y avant de passer votre chemin.
La suite, A Tropic of Serpents, est annoncée pour l’automne ; les tomes 3 et 4, The Voyage of the Basilisk et A Labyrinth of Drakes, sont quant à eux déjà parus outre-Atlantique.